Viticulture
500 exploitations menacées dans le Beaujolais d'ici la fin de l'année ?
Devant l’ordinateur, dans la vigne et face aux clients…
mais de moins en moins nombreux ?
Chaque année, le préfet de Saône-et-Loire va à la rencontre des viticulteurs en cette période de vendanges pour prendre un peu la température de ce secteur agricole. Après Prissé l’an dernier, c’est à La Chapelle de Guichay, au château Bonnet, puis à Azé, à la Cave coopérative, qu’il a pu s’imprégner des difficultés dans le Beaujolais et le Mâconnais au cours de longs et précieux échanges.
Les cépages, comme le Gamay plus sensible, n’ont pas été épargnés par les conditions climatiques. Et que dire des démarches administratives qui pèsent toujours autant sur les viticulteurs et en découragent plus d’un de se lancer…
Gel d’hiver, gel de printemps, grêle, coup de soleil… Le vignoble beaujolais de Saône-et-Loire, dont fait partie le canton de La-Chapelle-de-Guinchay, a été victime cette année de conditions climatiques très difficiles. Et les conséquences ne se sont pas fait attendre : le gel a créé des problèmes de débourrement important (entre 30 et 50 % des pieds concernés selon les parcelles) et tué environ 10 % des pieds. Les pertes liées au gel ont donc été importantes. La grêle a, elle, concerné presque 40 % des parcelles. On pense notamment à l’orage du 30 juin dernier.
Résultat aujourd’hui, les viticulteurs sont unanimes dans ce secteur : il vont avoir du mal à faire des quantités importantes. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs réduit le nombre de leurs vendangeurs ou même les jours de travail. Les rendements prévisionnels sur certains secteurs, dont celui de La Chapelle de Guinchay, sont aujourd’hui estimés à 15 hectolitres par hectares sur des appellations beaujolaises pour lesquelles le rendement de l’appellation est normalement fixé à 52 hectolitres par hectare.
La situation se dégrade d’année en année…
D’autant qu’à ces conditions climatiques déplorables s’ajoute la pression de certaines maladies (mildiou et oïdium) qui a été particulièrement forte cette année. Le premier fléau reste cependant l’esca. et la première priorité de l’Union viticole 71 est de faire maintenir dans la durée des fonds pour la recherche afin de trouver une solution de lutte contre cette maladie qui reste sans alternative depuis le retrait du pyralesca en 2001.
La récolte 2012 sera donc faible, ce qui ne va pas arranger la situation économique des viticulteurs beaujolais qui s’est dégradée ces dernières années. Les appellations beaujolaises qu’il s’agisse des génériques ou des crus demeurent en effet encore trop faiblement valorisées avec des prix moyens bas (145 euros par hectolitre par exemple pour les Beaujolais rouge début septembre, ou encore 217 euros par hectolitre pour des Chenas).
Le problème des Beaujolais blanc n’a pas non plus facilité les choses : le canton de La Chapelle de Guinchay est le seul canton de Saône-et-Loire qui ne peut pas appeler ses blancs Bourgogne. « On fait du Bourgogne depuis longtemps, on est en Bourgogne et on n’a plus de droit d’utiliser cette appellation », dénonce le maire Jean-François Guéritaine. « Et ce alors que nous sommes en Bourgogne, sur la route des vins et que notre prochaine communauté de communes s’appellera la Bourgogne du soleil. Est ce que nos viticulteurs vont avoir le droit de mettre vins du Beaujolais fabriqués en Bourgogne sur leurs bouteilles ? », s’interroge le conseiller général, Jean Juvanon.
Le métier de vigneron passe au second plan…
Mais ce qui inquiète également c’est l’arrachage, voire abandon complet de parcelles. Ce phénomène s’accentue tous les ans. L’Union des Vignerons du Beaujolais estime d’ailleurs que sur l’ensemble du vignoble beaujolais (Rhône et Saône-et-Loire) près de 500 exploitations pourraient arrêter leur activité d’ici la fin de l’année 2012. Le poids des charges qui continuent d’augmenter n’arrange pas les choses.
Cette année, l’augmentation du nombre de traitements nécessaires pour lutter contre la pression des maladies n’a pas arrangé les choses. « Si on met des charges supplémentaires sur le vignoble, on va décourager les jeunes, craint Robert Martin, président de l’Union viticole de Saône-et-Loire. Le métier de vigneron passe également à côté du volet administratif. »
« Avec toutes ces procédures, il faut être devant l’ordinateur, et en même temps dans les vignes et devant le client, » poursuit Pierre-Yves Perrachon, du Château Bonnet, heureusement aidé dans les tâches administratives par son épouse. Pour le préfet, François Philizot, « la charge administrative est effectivement le piège de ces procédures, mais ces procédures, il bien le reconnaître, ont aussi du bon. Quand on parle d’assurance par exemple… »
En attendant, à La Chapelle de Guinchay comme dans d’autres cantons, les successeurs ne se bousculent pas. Et quand certains jeunes veulent se lancer, ils rencontrent des problèmes pour s’installer. À cause encore de certaines contraintes administratives.
D. C.