Nouvelle rubrique hebdomadaire
Du côté de la librairie......
Du côté de la librairie……
Pour cette première chronique, nous avons voulu mettre un coup de projecteur sur les professionnels de la vente du livre.
Bien qu’ils ne soient plus très nombreux en Saône-et-Loire, les libraires, qui tentent de résister à Internet et ses sites de vente, sont à la disposition des lecteurs pour proposer une palette d’ouvrages, avec le conseil en plus. Première visite en cité parodienne…
Point-Virgule, juste à côté de chez vous
Située en plein centre-ville de Paray-le-Monial, Point-Virgule est la dernière librairie indépendante de la ville, tenue depuis maintenant 30 ans par Marie-Laure Fleurot. Tout en longueur, la boutique ressemble à une caverne d’Ali-Baba pour lecteurs : dans les rayonnages qui couvrent les murs de l’entrée jusqu’au petit patio occupé par les bacs destinés à la jeunesse, tous les styles de livres sont présents. « Il n’y a pas assez de clientèle ici pour se permettre de se spécialiser », explique Marie-Laure. Preuve en est s’il en faut, même la librairie Siloé qui proposait des ouvrages sur la religion, secteur que l’on pourrait penser porteur dans la cité parodienne, a fermé ses portes dernièrement. Les romans policiers côtoient donc la littérature américaine, les dernières parutions sont à côté de la caisse, en face des caisses de BD. Un fonds d’ouvrages locaux trône à l’entrée. »J’ai une bonne clientèle pour les romans du terroir et les ouvrages locaux, montre la libraire.
D’ailleurs, l’une de mes meilleures ventes est un ouvrage édité à compte d’auteur (sans éditeur) par la fille d’un maquisard du coin (« La médaille de Paul – 1939-1945 – Le maquis du Charolais » par Evelyne Descaillot). Les gens veulent des livres qui parlent du Sud Bourgogne. Au-delà dans le département, cela ne marche pas ».
Comme pour toutes les librairies en France, Internet a fait du mal à sa boutique, qui ne peut rivaliser avec ces géants du commerce en ligne. Depuis peu, la nouvelle législation française empêche ces vendeurs de cumuler frais de port gratuit et remise sur le prix d’achat (le prix des livres en France est réglementé), ce qui les rend moins attractifs. Mais le mal est fait. « Ma clientèle a vieilli en même temps que moi, et même si j’ai des fidèles et des jeunes qui reviennent, souvent à l’occasion des vacances dans la famille, dans la librairie de leur enfance, cela ne suffit pas à renouveler le potentiel de clients : entre ceux qui ont pris l’habitude d’acheter sur Internet et la baisse évidente du nombre de jeunes qui lisent, c’est difficile de s’y retrouver ».
Mais en passant par le web, il manque le conseil du libraire, ce petit plus quand on ne trouve pas un titre précis, ou le simple plaisir de regarder les couvertures et de se laisser guider par ses envies. Marie-Laure a une phrase très juste sur le sujet : « Le choix d’un livre n’est pas innocent. Quand je reçois un ouvrage, très souvent je sais déjà à qui je vais le vendre. Moi, je tiens un commerce de proximité, je connais les goûts des uns et des autres. Beaucoup de personnes viennent aussi ici pour parler, discuter d’une lecture mais aussi de leur vie ». Et force est de constater que les clients passent du temps dans les rayons, détaillant les quatrièmes de couverture, recherchant un coup de coeur dans les BD ou, comme les petits, s’installant pour regarder les pages d’un album. Une librairie, ce n’est pas un commerce comme les autres. C’est aussi un lieu de lien social.
Pour faire tourner son commerce, Marie-Laure peut encore compter sur les bibliothèques municipales, les collèges et les lycées qui n’hésitent pas à lui déposer leurs commandes et à prendre en compte cette proximité pour travailler. « Je suis là pour les aider dans leurs choix, explique-t-elle,, pour prendre contact avec les éditeurs, gérer les retours… Quand elles n’ont pas d’idée, les documentalistes ou les bibliothécaires viennent me voir et je leur conseille des nouveautés ». Ces services, Internet ne les rend évidemment pas.
Marie-Laure est désormais en âge de prendre sa retraite. Elle a tous ses trimestres et cherche un repreneur pour sa boutique, même si elle ne s’illusionne pas. « La réalité est difficile, expose-t-elle. C’est un métier qui prend du temps, qui nécessite de porter des charges et de fournir un gros travail de gestion. Il faut gérer les relations avec les éditeurs, la comptabilité, le commerce… Mais on ne le fait pas par hasard. Des jeunes sont venus me voir, ils rêvent de tenir une librairie. Je ne leur ai pas caché les difficultés. J’espère que je trouverai quelqu’un pour continuer. On ne devient pas libraire pour rien, il faut aimer le contact avec les autres, aimer les écouter. C’est sûrement là l’intérêt de ce métier et la raison pour laquelle on continue ! ». Espérons que le message sera entendu, car la flânerie dans les rayons de Marie-Laure ne saurait être remplacée par une souris devant un ordinateur…
Le coin lecture de la libraire
Ses coups de coeur de la rentrée
– « Une éducation catholique »1 de Catherine Cusset (prix Goncourt des lycéens pour « Un brillant avenir). Nous sommes à Paray, c’est logique. Ce livre, qui retrace la vie de l’auteur entre un père croyant et une mère athée, est tout simplement savoureux
– « Dans le grand cercle du monde »2 de Joseph Boyden, qui traite comme ses précédents romans des amérindiens.
Les livres attendus pour la rentrée littéraire
Forcément le dernier Amélie Nothomb (« Pétronille »3), même si ce n’est pas l’écriture que je préfère. Le prochain Emmanuel Carrère (« Le royaume »4) également, et c’est justifié car c’est un très bon auteur. Enfin, « L’emprise5″ de Marc Dugain, qui a une écriture très construite, et qui sera ma prochaine lecture.
Ses plus belles (et longues !) ventes
– La série des « Milléniums », qui grâce aux sorties des films au cinéma, s’est vendue pendant plusieurs années, ce qui est rare (un « bon » livre « dure » 3 mois en librairie…)
– « La vérité sur l’affaire Harry Québert6″ de Joël Dicker : une sorte de thriller, mais pas seulement, qui est une réflexion sur l’Amérique, les travers de la société, les médias… Chacun peut y trouver quelque chose. Je le vends depuis 2 ans maintenant.
Son livre de chevet
Sans hésitation, « Crimes et châtiments » de Dostoïevski, et aussi « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier… J’attends ma retraite pour relire tous ces classiques…
Les références
Librairie Point-Virgule – 13 rue Victor Hugo – 71600 Paray-le-Monial
1 http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Une-education-catholique
2 http://www.albin-michel.fr/Dans-le-grand-cercle-du-monde-EAN=9782226256157
3 http://www.albin-michel.fr/Petronille-EAN=9782226258311
4 http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-2118-7
5 http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/L-emprise
6 http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=978-2-87706-816-1
Véronique Decrenisse-Kieny