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jeudi 25 février 2016 à 10:00

Du côté de la librairie…



 

 

Plusieurs propositions récentes d’éditeurs se recoupent, s’entrecroisent, complètent nos connaissances sur cette période trouble de la Seconde Guerre mondiale, tout en nous poussant à réfléchir sur l’Autre et sur nous-même.

 

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Jean Guiloineau avait une aïeule, Simone. Une cousine de sa mère dont il avait entendu dire, sans trop comprendre, qu’elle faisait de la collaboration horizontale. Qu’elle couchait avec l’ennemi. Condamnée à la fin de la guerre, Simone disparait des réunions de famille et des conversations. Cherchant à retracer son histoire des années plus tard, l’auteur part sur les traces de Simone, essayant de comprendre ce qui l’a conduite à être condamnée. Il se glisse dans les rares photos d’époque, refait le parcours de la jeune femme, fouille les archives, et finit par comprendre que ce qu’il avait entendu enfant était loin d’être la réalité. Qu’une condamnation à 15 ans d’emprisonnement ne punissait pas qu’une coucherie… Un beau travail de recherche, de neutralité et d’Histoire pour comprendre une situation obscure et sombre, à l’image de cette période dont on a encore du mal à parler.

 

 

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Jean Guiloineau. Simone. Dijon : Editions Mutine, 2015. 150 p. 12 €

 

 

Voici un ouvrage poignant s’il en fallait un sur le sujet. Très fourni et palpitant, nous y suivons tout à tour quatre protagonistes de la Guerre de 39-45.Jacques Lazarus, dit Capitaine Jacquel, se retrouve chef du groupe parisien de l’Organisation juive de combat, et mène coups de main et attentas avant d’être arrêté. Thomas Elek fait partie du groupe Manoukian et sera fusillé au Mont Valérien le 21 février 1944 après s’être engagé contre l’occupant. Mala, jeune femme juive qui, déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau, tentera de s’enfuir, sera reprise, mais giflera le SS venu l’exécuter et tentera de se suicider pour ne pas les laisser gagner. Et enfin Toïvi, qui sera l’un des 30 survivants de la révolte de Sobibor.

 

Autant de preuves de résistance et de fierté d’un peuple que d’aucun ont traité de lâches, mais qui a su se battre alors que tout contribuait à l’anéantir. Un aperçu de ces « révoltés de la Shoah » qui ont conduit, eux aussi, à faire échouer l’oppresseur. Une leçon.

 

 

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Ils étaient jeunes, juifs et résistants. Paris : Omnibus, 2016. 545 p. 20 €

 

 

Troublant livre que celui d’Olivier Charneux, qui prend le parti de retracer le destin d’un médecin danois décidé à éradiquer ce qui, seslon lui, relevait de la maladie : l’homosexualité. Porté par les idéologies délirantes et inhumaines du nazisme, Carl Vaernet va tenter de « guérir l’humanité de cette question ». Très sobre, implacable, le récit nous montre les avancées médicales de cet homme soutenu par le régime, qui va expérimenter des injections d’hormones sur les déportés, le tout sous couvert d’études médicales et scientifiques pointilleuses. La richesse de l’auteur est de présenter ici le cheminement d’un homme presque ordinaire, noyé dans les préjugés de l’époque, prêt à tout sans prendre conscience de l’atrocité de ses expériences. Une sonnette d’alarme bienvenue à une époque où l’on a tendance de plus en plus à rejeter l’autre et, surtout, à légitimiser cet état de fait.

 

 

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Olivier Charneux. Les guérir. Paris : Laffont, 2016. 1857 p. 18.50 €

 

 

Sur le même sujet, le bien connu Michel Cymes a récemment publié « Hippocrate aux enfers », enquête qu’il a menée sur les médecins des camps de la mort. Réédité en livre de poche, cet ouvrage n’a pas la prétention de faire le tour de la question (s’il était possible de le faire !), mais propose une approche intéressante : les médecins des camps vu par un médecin réputé pour son humour et dont la famille a été décimée par le nazisme. Tour à Tour, Michel Cymes revient sur l’histoire de plusieurs « docteurs » et les atrocités qu’ils ont commises. Il détaille en particulier des faits proches de nous : les restes humains sur lesquels des expériences atroces ont été réalisées et qui auraient été conservées dans les sous-sols de l’université de Strasbourg. Une situation longtemps démentie, et qui s’avère être vraie. A lire.

 

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Michel Cymes. Hippocrate aux enfers. Paris : Le livre de poche, 2015. 221 p. 6.60 €

 

 

Et pour que cette période de notre histoire soit accessible aux jeunes, voici plusieurs propositions des éditeurs jeunesse sur le sujet.

 

 

Gallimard s’est attaché à raconter la Guerre au travers des témoignages de onze enfants d’hier qui ont vécu la peur et le stress. Onze enfants de l’époque venus raconter leur histoire aux enfants d’aujourd’hui. Nous y suivons Marie, 14 ans au début de la guerre, qui va vive le débarquement en Normandie. Lionel Rocheman, 12 ans, jeune juif issu d’une famille communiste qui se cache dans la Creuse et devient résistant à 15 ans. Ou encore Alfred, 6 ans au début des hostilités, qui vit à Bruxelles et tente de rester un môme même s’il comprend tout. Les récits sont courts, nets, précis, et complétés d’informations factuelles. Une belle réalisation.

 

 

 

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Vincent Cuvellier. Ils ont grandi pendant la guerre. Paris : Gallimard Jeunesse, 2015. Coll. Giboulées. 151 p. 15 €

 

 

 

Autre lecture à portée des pré-ados, voici un ensemble de 7 nouvelles qui parlent de l’Amour et des Guerres. En 14-18, François, 17 ans, retrouve son père dans les tranchés, tué sous ses yeux par ses propres camarades. En 39-45, Lucien, Pierre et Jean entrent dans la résistance. Rose se retrouve avec un bébé en 1944, dont la mère juive a été arrêtée… Autant de petites histoires courtes qui permettent de se plonger dans ces univers chaotiques mais où perdure une étincelle d’Amour.

 

 

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Paule du Bouchet. A la vie à la mort. Paris : Gallimard Jeunesse, 2015. 123 p. 4.90 €

 

 

Enfin, très belle proposition que celle des Editions de l’Olivier, avec « Le livre d’Aron ». Aron, 8 ans, est enfermé dans le ghetto de Varsovie avec sa famille. Pour survivre, il vole et ment, mais découvre aussi des personnages emblématiques de l’époque, tel le directeur de l’orphelinat où il trouve refuge, le docteur Janusz Korczak. Aux fils des pages, nous suivons Aron et les autres enfants, qui, inexorablement, se rapprochent d’une issue fatale. Terriblement poignant, triste mais lumineux, ce roman permettra aux plus grands de mieux comprendre cet épisode de la guerre, et de prendre toute la mesure des dernières phrases de Janusz Korczak à Aron : « L’enfant a le droit au respect. L’enfant a le droit de se construire. Le droit d’exister. Le droit de souffrir. Le droit d’apprendre. Et l’enfant a aussi le droit de se tromper ».

 

 

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Jim Shepard. Le livre d’Aron. Paris : Editions de l’Olivier, 2016. 238 p. 21 €

 

 

 

 



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