Musées de Mâcon
Une nouvelle aquarelle et une caricature
Acquisition de deux nouvelles œuvres
Les Musées de Mâcon ont acquis le mardi 14 février dernier deux dessins exceptionnels lors d’une vente aux enchères à Paris. Ils sont visibles au Musée Lamartine, rue Sigorgne.
Le premier est une aquarelle de Jules de Goncourt qui représente la Maison de Bois en 1849. Elle fait référence à la nouvelle écrite avec son frère Edmond, intitulée « Une revendeuse » qui s’y déroule.
Le second représente Alphonse de Lamartine, dessiné en 1856 par le photographe et caricaturiste Etienne Carjat.
Le détail des œuvres
GONCOURT, Jules de (1830-1870) Mâcon
Une « maison en bois » où Jules et Edmond de Goncourt situent leur récit « Une revendeuse ». En juin 1849, les deux frères entreprirent un tour de France qui les mena entre autres en Bourgogne et qui s’acheva finalement à Alger. Dans « L’Éclair » du 26 juin 1852, ils publièrent sous leur double signature une relation de leur passage à Mâcon, intitulée « Une revendeuse », qu’ils intégreront ensuite en 1856 dans leur recueil « Une Voiture de masques ».
Ce court récit évoque leur visite à la brocanteuse madame Javet, établie dans la célèbre maison de bois de Mâcon – une des plus anciennes de la ville – située sur l’actuelle place aux Herbes :
« En remontant la rue qui débouche sur le pont de la Saône à Mâcon, vous trouvez à gauche une vieille maison en bois. La maison est trouée de petites fenêtres carrées qui baillent, étranglées, pendant deux étages, entre des colonnettes cannelées, striées, imbriquées, losangées, rubannées, chacune d’un dessin différent du dessin de sa voisine. Sur les colonnettes s’appuient des frises peuplées de satyres et de femmes nues, celles-ci attaquant ceux-là à travers des guirlandes de fleurs en ronde-bosse, naïve interprétation mythologique, que les Mâconnaises ne peuvent regarder qu’en échappade. — Quelques petites lucarnes aux toits pointus, sans volets, laissent entrer au grenier le vent l’hiver, le soleil l’été. Le bois, qui a vieilli et pris les teintes rubiacées de l’acajou, est marqueté d’écriteaux numérotant toutes les industries qui se sont casernées dans cette gigantesque façade de bahut. […]
Que si l’amour du rococo vous fait pousser une porte à côté de la fenêtre, vous entrez de plain-pied dans le domaine sombre et fantastique de Goya. »
CARJAT, Étienne (1828-1906) portrait-charge de Lamartine
Dessin original, signé « Et. Carjat » en bas à gauche. Fusain et rehauts de gouache, 47 x 30 cm, encadrement sous verre.
Une caricature éminemment politique : Lamartine est représenté tenant la lyre du poète, avec un aristocratique chien à ses pieds. Il arbore deux superbes plumes de paon tandis que deux boulets sont attachés à ses pieds, portant les légendes « Réalité » et « 24 février ». Lamartine fut un des acteurs majeurs de la Révolution de 1848 et de la Seconde République, nommé le 24 février ministre des Affaires étrangères et chef effectif du Gouvernement provisoire, puis élu à l’Assemblée et à la Commission exécutive, avant d’être écarté au profit de Cavaignac.
Carjat était quant à lui un républicain convaincu : il fit le coup de feu sur les barricades les 22 et 23 juin 1848. Lamartine fut maintes fois caricaturé, par exemple par Bertall et Cham en 1848, par Sem en 1849 ou par Nadar en 1858, mais aucun de ces portraits-charges – sauf peut-être celui de Nadar – n’a la force de celui de Carjat. Carjat, caricaturiste et photographe. Photographe auteur de portraits mythiques de Baudelaire ou Rimbaud, il s’était d’abord fait un nom comme caricaturiste. Ami de Daumier, il se lança en 1854 et dessina des portraits-charges pour lesquels il systématisa la technique des « grosses têtes » posées sur un petit corps. Il fonda plusieurs périodiques satiriques illustrés, « Le Diogène » en 1856, « Le Boulevard » en 1861 et « Les Mouches vertes » en 1868. La présente caricature est probablement celle que Carjat dessina en 1856 pour sa revue « Le Diogène » et dont Lamartine refusa la publication.
Ayant demandé au grand poète sa permission de la publier, Carjat y renonça après avoir obtenu la réponse suivante :
« […] Je ne puis autoriser sur ma personne une dérision de la figure humaine, qui, si elle n’offense pas l’homme, offense la nature et prend l’humanité en moquerie […]. Je vous l’ai dit quand vous m’avez fait l’honneur de venir chez moi à ce sujet, ma figure appartient à tout le monde, au soleil comme au ruisseau ; mais, telle qu’elle est, je ne veux pas la profaner volontairement, car elle représente un homme et elle est un présent de Dieu ».