TVA dans la restauration
Lettre ouverte de Thomas Thévenoud à l'attention des restaurateurs du département
Suite à la présentation de son rapport sur la TVA dans la restauration le mardi 30 octobre, le député Thomas Thévenoud adresse une lettre ouverte aux restaurateurs du département.
Retrouvez-la ci-dessous dans son intégralité :
« Madame, Monsieur, Chers restaurateurs de Saône-et-Loire,
J’ai souhaité vous écrire au sujet de mon rapport sur le taux réduit de TVA dans la restauration afin de vous préciser le sens de mes conclusions et rétablir un certain nombre de vérités.
Le rôle d’un parlementaire est, selon l’article 24 de la Constitution, de « voter la loi, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques ».
En tant que membre de la commission des finances de l’Assemblée, ma mission est plus particulièrement de veiller au bon usage des fonds publics.
Ainsi, j’ai conduit pendant plusieurs mois une mission d’évaluation sur la baisse de la TVA dans la restauration afin de mesurer les répercussions de cette mesure qui coûte chaque année à l’État, c’est-à dire aux contribuables français, 3 milliards d’euros.
Le mardi 30 octobre dernier, j’ai présenté les conclusions de ce travail devant la commission des finances qui a autorisé sa publication à l’unanimité des groupes politiques.
Son Président, Gilles Carrez (UMP), l’a jugé instructif et « stimulant », reconnaissant ainsi la qualité et l’objectivité du travail mené.
Dans le cadre de cette mission parlementaire, j’ai rencontré toutes les organisations patronales signataires du contrat d’avenir le 28 avril 2009.
J’ai également auditionné les représentants des salariés, des restaurateurs indépendants, des grandes chaines de la restauration rapide et traditionnelle ainsi que les services de l’État concernés par ce dispositif fiscal.
Pour ce qui concerne notre département, j’ai rencontré à Crèches-sur-Saône, chez Patrick Revoyre, et en présence de la presse, les représentants de l’UMIH.
D’autres restaurateurs de Saône-et-Loire m’ont fait part, soit directement, soit par correspondance, de leur point de vue. Je veux remercier les uns et les autres de leur contribution.
Lors de la signature du contrat d’avenir, vos représentants s’étaient engagés, en contrepartie de la baisse de TVA, à diminuer les prix, à créer de nouveaux emplois, à améliorer les conditions salariales des employés du secteur et à réaliser un effort en matière d’investissement dans les établissements.
Trois ans après l’entrée en vigueur de la baisse de TVA qui a eu lieu le 1er juillet 2009, on constate que cette mesure n’a pas eu les effets escomptés et que l’intégralité des engagements pris n’ont pas été tenus.
J’explique, dans mon rapport, que ces résultats s’expliquent par la forte disparité du secteur de la restauration et par l’impact d’une crise économique sans précédent.
En effet, la baisse des prix attendue n’a pas été appliquée de façon homogène, les créations d’emploi ont été moins importantes que prévues, les investissements réalisés sont difficilement vérifiables.
Je note dans mon rapport qu’en ce qui concerne les avancées sociales pour les salariés, les résultats ont été plus probants avec la création d’une mutuelle, deux jours fériés supplémentaires, une prime TVA et la revalorisation générale de la grille des salaires qui n’avait pas bougé depuis 1997.
Je préconise dans mon rapport de substituer cette dépense fiscale par une dépense budgétaire ciblée au profit des établissements de moins de 20 salariés et d’arrêter de subventionner les grands groupes de la restauration rapide ou les grandes chaines de la restauration à thème qui sont ceux qui ont le plus bénéficié de cette baisse de TVA.
Compte tenu du contexte de crise économique que le pays traverse, je propose que tout relèvement du taux de TVA dans la restauration fasse l’objet au préalable d’une étude d’impact élaborée en concertation avec le ministère et les professionnels concernés.
Par ailleurs, je propose de maintenir une fiscalité identique entre la restauration sur place et la restauration à emporter afin de ne pas redonner un avantage fiscal aux fast-foods. Vous avez peut-être vu que cette position m’a valu une campagne de presse payée à grand frais par une multinationale de la restauration rapide.
Je propose enfin, si relèvement du taux de TVA il doit y avoir, que ce dispositif s’accompagne d’un « plan qualité restauration » permettant une montée en gamme du secteur. Ce plan de soutien devra être élaboré en concertation étroite avec les professionnels de la restauration afin de nourrir le dialogue social et de prendre les bonnes décisions.
Le « plan qualité restauration » que je présente se décline essentiellement en trois volets.
Il passe par une amélioration de l’accueil avec, notamment, un soutien en faveur de la mise aux normes des établissements de petite taille.
Il recommande une amélioration de la formation des restaurateurs et des conditions salariales des employés du secteur.
Enfin, la qualité de la restauration doit nécessairement passer par une transparence de l’assiette et des cartes afin de mieux informer les consommateurs sur l’origine des produits qu’ils consomment.
Évidemment, il faut tenir compte du contexte économique que nous traversons. C’est pourquoi, je ne fixe aucun calendrier et propose deux hypothèses de relèvement sans trancher définitivement la question de savoir à quel niveau doit se situer le taux de TVA dans la restauration.
Les chiffres qui m’ont été transmis par l’Union professionnelle artisanale montrent une baisse du chiffre d’affaires dans le secteur de la restauration en 2012 et mettent en évidence un accroissement des défaillances d’entreprises dans ce secteur entre 2011-2012.
C’est la raison pour laquelle, le changement devra s’effectuer en concertation avec les professionnels du secteur concerné afin de définir ensemble une véritable politique de la restauration pour demain.
La méthode retenue est la concertation et aucune décision ne sera prise sans que tous les professionnels de la restauration n’aient été préalablement écoutés.
J’espère, à travers ces quelques mots, que vous comprendrez que je ne suis pas « l’ennemi » des restaurateurs, comme certains ont pu essayer de le faire croire, mais tout simplement un parlementaire qui remplit sa mission de contrôle et d’évaluation.
Je sais que le travail que vous faites, avec vos salariés, est difficile et qu’il contribue au rayonnement de notre pays, au maintien de sa tradition culinaire mais aussi à son attractivité touristique.
Je voudrais vous convaincre que la France, engagée dans la plus grave épreuve économique de son histoire depuis la seconde guerre mondiale, mérite de notre part des efforts partagés. L’État s’est engagé à diminuer ses dépenses. Il devra continuer à le faire. Les efforts qui sont demandés aux Français pour redresser les comptes publics et pour désendetter notre pays exige de nous justice, dialogue et respect mutuel.
Plus que jamais, il faut avoir le courage de dire la vérité. C’est ce que j’ai essayé de faire, je crois, à travers la rédaction de ce rapport et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles il a été adopté à l’unanimité par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Restant à votre disposition, je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, Chers restaurateurs de Saône-et-Loire, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Thomas Thévenoud, député et conseiller général de Saône-et-Loire »