Faits divers / Suite aux violences urbaines à Montceau dans la nuit du 24 au 25 septembre
« Assassins, vous avez tué notre frère*. Assassins, on a vos photos on va vous retrouver ! » Les deux équipages de la BAC de Chalon-sur-Saône venus en renfort sur la zone du Plessis à Montceau les Mines dans la nuit du 24 au 25 septembre, ont essuyé pas mal d’insultes et de menaces, accompagnées parfois d’applaudissements.
Les policiers ont interpellé deux hommes dont l’un est poursuivi, et jugé ce lundi 27 septembre.Il est en détention provisoire.
Le quartier du Plessis était cette nuit-là, « une zone agitée – suite à des faits sur lesquels le tribunal est peu informé- , mais des individus, masqués et encagoulés, manifestaient un mécontentement, en prenant à partie les forces de l’ordre, en mettant le feu à des véhicules ou à des biens » explique la présidente Catala.
C’est ainsi que deux véhicules banalisés de la BAC de nuit de Chalon se transportent sur les lieux où deux groupes d’une vingtaine de personnes se cachent, lancent des insultes et des pierres. L’un des véhicules se retrouve encerclé. « Nos frères de Chalon vont vous retrouver, b*** vos femmes. » Les policiers identifient un timbre de voix, spécifique, « comme si l’individu n’avait pas fini de muer », qu’ils ré-entendent un peu plus tard. Ils relèvent la description de l’individu en question : mince, un jean avec une déchirure, une veste noire avec des bandes rouges sur les faces intérieures des manches. Une demie heure plus tard, un équipage vient en renfort au renfort chalonnais et les policiers décident d’agir, en ciblant le porteur de la veste noire à bandes rouges ainsi qu’un homme qui l’accompagnait. Les groupes se dispersent comme une volée de moineaux. Le prévenu chute avec le policier dans un escalier, reprend la fuite, est plaqué au sol, ne se laisse pas menotter. Il est donc poursuivi pour outrage et rébellion mais conteste tout. Son ami, monsieur X, n’est pas poursuivi.
Question opportune : « Vous voyez que ça chauffe, pourquoi vous restez ? »
Le prévenu est âgé de 27 ans, il a un casier judiciaire et est encore en sursis mis à l’épreuve. Il travaille à temps partiel. Il dit que cette nuit-là, c’était plutôt « des groupes d’ados, de 15 à 18 ans » qui semaient le désordre dans leur quartier. « Je suis sorti vers 22 heures, je suis allé à la ZUP. J’ai regardé la fin du match dans ma voiture, puis j’ai discuté avec d’autres de ce qui s’était passé l’après-midi*, puis je suis allé au tabac à Blanzy, puis je suis revenu et j’ai croisé monsieur X à la ZUP. On s’est mis à l’écart pour parler. Au bout de 20 minutes j’ai vu des jeunes qui couraient dans toutes les directions. A peine j’ai tourné la tête qu’on m’a plaqué au sol. » En fin d’après-midi, il avait échangé avec un équipage de Montceau, croisé à un feu rouge : « J’avais entendu une version, comme quoi c’était à cause des policiers que le jeune homme avait eu cet accident, je leur ai demandé si c’était ça. Mais j’ai une vie de famille, j’ai autre chose à faire que d’aller insulter des policiers. » « Ce soir-là, vous n’étiez pas en famille », remarque la présidente. « Vous voyez que ça chauffe, pourquoi vous restez ? » l’interroge un juge assesseur. « De là où j’étais on entendait des cris, mais on voyait rien. »
Le parquet requiert une peine de prison ferme
« Le contexte est particulier, c’était une nuit d’émeutes, à Montceau, suite à un accident de la route ayant coûté la vie à un jeune garçon. Des groupes prennent à partie les forces de l’ordre, verbalement et physiquement. Dans ces groupes, on trouve monsieur » dit Angelique Depetris, substitut du procureur, qui estime que cette veste noire à bandes rouges, décrite par les six policiers qui étaient sur place, incrimine son porteur. « De sorte que c’est bien monsieur – certes, entre autres – qui a bien commis ces outrages. » « Il a tout faux » poursuit-elle. Elle requiert une peine de 6 mois ferme avec maintien en détention, ainsi que la révocation partielle de son sursis mis à l’épreuve. « Vous avez refusé de signer la notification de vos droits en garde à vue », souligne Arnaud Bibard, qui intervient pour les policiers qui entendent se constituer parties civiles. « J’avais rien à voir avec tout ça, j’étais énervé d’être en garde à vue, j’ai pas signé mais j’ai insulté personne. »
La défense plaide une relaxe
Maître Lépine, elle, plaide une relaxe, « à tout le moins au bénéfice du doute ». D’abord parce que l’ami du prévenu, dont les six policiers rapportent qu’il a commis des outrages, a été libéré de sa garde à vue, sans poursuite. « Ils ont été interpellés par erreur et on accorde à monsieur X le crédit de l’erreur, mais pas à lui, pourquoi ? » Côté policiers, « celui qui rédige le PV d’interpellation n’était pas sur place, ça semble sujet à caution ». Ensuite, son client « ne portait pas de masque », et « on nous parle d’une voix aiguë, comme si la personne n’avait pas fini de muer : ça n’est pas du tout son cas. En revanche ça correspond à ce que lui et monsieur X ont toujours dit : c’était un groupe d’adolescents. » Enfin, « on nous dit que tous ces jeunes avaient filmé les policiers, et en avaient argué dans leurs menaces. Or on n’a pas exploité le téléphone du prévenu pour voir s’il avait filmé. »
5 mois de prison ferme mais pas de maintien en détention
Vers 20h30, le tribunal revient et déclare le prévenu coupable, le condamne à une peine de 4 mois de prison « mais renvoie les modalités d’exécution au juge d’application des peines ». Cela veut dire qu’il va sortir de prison ce soir, sera convoqué par un JAP qui examinera sa situation et décidera s’il y a lieu d’aménager, ou pas, sa peine. Le tribunal révoque en outre 1 mois du sursis prononcé en 2020, et reçoit les constitutions de parties civiles des deux équipages de la BAC. Il devra les indemniser. « Vous êtes convoqué mi-novembre devant le JAP. Vous avez 10 jours pour faire appel, monsieur. Vous contestez, donc réfléchissez et parlez-en avec votre avocate. »
Florence Saint-Arroman
*Un jeune de 19 ans a perdu la vie dans un accident de moto, le 24 en journée, mais une rumeur a circulé à la vitesse de l’éclair, mettant en cause la police. Rumeur à l’origine de deux nuits d’émeutes à Montceau-les-Mines.