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mercredi 28 septembre 2022 à 08:45

Tribunal



 



 

« Les prévenus reconnaissent les faits mais ils donnent l’impression que X est responsable. Ils ont dit : ‘On l’insultait et on le frappait parce qu’il nous insultait.’ … Mais X a 7 ans ! » Dernier dossier, ce lundi 26 septembre, c’est le soir. Sur des chaises face au tribunal, une femme âgée de 61 ans, et un homme de 32 ans. Respectivement la grand-mère et le beau-père d’un petit garçon.

Anne-Lise Peron, substitut du procureur, commence ses réquisitions en remerciant deux femmes. Elle les nomme, ce qui symboliquement est important car elles travaillent toutes deux dans l’école où le petit garçon est scolarisé. « Ce sont elles qui ont signalé la souffrance du petit garçon. Sans elles, est-ce que quelqu’un aurait entendu la souffrance de cet enfant ? »

C’est une audience à juge unique. Le président Marty expose les faits. « L’institutrice de X signale les faits concernant X, un enfant de 7 ans. Son beau-père le tape, le traite de gogol et de débile. X est un enfant qui a besoin d’aide, au sein de l’école. Il est facilement violent avec les autres, se plaint de subir lui-même des violences et des insultes. Il est auto-dégradant, il dit des choses comme : ‘je ne sers à rien’. »

Sa tête, son ventre, le bas de son dos

L’enfant est entendu (« une audition Mélanie »* précisera la procureur). On lui demande où il a mal quand on le frappe, il montre sa tête, son ventre, le bas de son dos. Il a 7 ans. Le compagnon de sa mère (ensemble depuis 2 ans, ont eu un bébé qui n’a pas un an) est placé en garde à vue. « C’est vrai, je le tapais, je m’énervais, aussi. Moi aussi j’ai été tapé quand j’étais petit. » Puis on le met sous contrôle judiciaire, le 6 juillet dernier, avec interdiction de tout contact avec la victime. Du coup il est allé vivre chez la grand-mère. Celle-ci a encore plus varié dans ses déclarations, mais finit par reconnaître. « Des fois, il me traite de tous les noms, je m’énerve et je lui mets une baffe. »

« C’est très compliqué pour un enfant que les personnes qui doivent le protéger… »

Son comportement allait bien au-delà d’une réaction emportée ponctuelle, puisque les enquêteurs ont recueilli des témoignages de voisins, et de parents au jardin d’enfants. Le président Marty confronte la dame à sa façon de se défausser, à sa façon de ne se poser aucune question, et de vouloir faire table rase avec « un énorme pardon ».
« C’est très compliqué pour un enfant que les personnes qui doivent le protéger, un jour le protègent et le jour suivant ne le protègent plus. Il ne sait jamais à quoi s’attendre » lui dit le juge. Mais qu’en entend-elle ? On se le demande. L’insécurité, affective, émotionnelle, physique, tout, voilà le quotidien du petit.

Violation de l’interdiction de contact : « je savais pas »

La dame va se prendre les pieds dans le tapis en voulant convaincre la procureur que son petit-fils n’attend plus qu’elle pour être heureux : « Quand on s’est parlé au téléphone, je lui ai dit On ira au parc, comme avant. Il m’a dit Moi je t’aime. » Le juge intervient et calme les élans émotionnels un peu beaucoup théâtraux, de la mamie : « Vous vous êtes parlé ? Vous aviez une interdiction de contact. Il vous était interdit de communiquer, fut-ce par personne interposée. » Léger flottement chez la mamie qui répond : « Je ne savais pas. »

Le père est touchant, soutenu par sa curatrice

Voilà, ça dit les difficultés multiples de ce bain dans lequel vit le petit. Ses deux parents bénéficient d’une mesure de protection civile, et d’ailleurs, si la mère est absente, le père est là, tenant courageusement sa place, soutenu et accompagné par sa curatrice. Ces deux-là attendent depuis 14 heures, il est 20 heures. Le père vient tenir sa place, mais il est impressionné. Il dit juste qu’il n’a rien vu, ne savait rien. Ce qu’il en pense ? « C’est pas bien, quoi. » Il voit son fils deux mercredis par mois. Sa curatrice précise qu’il voudrait que le tribunal prenne des mesures pour que son fils soit protégé. »

« Sa maman l’aime certainement mais elle n’est pas protectrice »

D’ores et déjà le conseil départemental de Saône-et-Loire a mis en place une mesure d’assistance éducative à domicile (AED). L’administratrice ad-hoc est présente à l’audience : elle veille à ce que les intérêts de l’enfant soient respectés. Maître Ravat-Sandre plaide et demande des dommages et intérêts pour les souffrances endurées par cet enfant. « Sa maman l’aime certainement mais elle n’est pas protectrice. X est vraiment traumatisé par ce qu’il vit, mais il sait désormais que s’il doit subir à nouveau des violences ou des insultes, il peut en parler, il y a du monde autour de lui. »

« Je n’ai pas l’impression que grand -chose ait évolué »

Anne-Lise Peron, substitut du procureur, résume le sentiment qui se dégage de l’audience : « Je n’ai pas l’impression que grand -chose ait évolué. » Les prévenus disent regretter, savent que « c’est mal » de maltraiter un enfant, mais quant à savoir si réellement ils savent, du verbe savoir, quelles limites (tout autant pénales qu’humaines, pour le coup) ils ont franchies et combien ils n’en ont pas le droit, c’est une autre affaire. La procureur requiert des peines de sursis probatoire. Les casiers sont vierges, ces deux personnes n’ont apparemment pris que le petit X comme souffre-douleur.

L’institution judiciaire n’a pas fini de s’en mêler

Les prévenus n’ont pas d’avocats et n’ont rien à ajouter.
A presque 21 heures, le tribunal les déclare coupables de violence suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours sur mineur, par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, et les condamne :
Monsieur, à la peine de 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de travailler, de suivre un stage de responsabilité parentale (« pour voir comment vous pouvez modifier certains de vos comportements »), et interdiction de contact avec l’enfant, « sauf autorisation préalable du juge de l’application des peines ». « Pour l’instant vous devez montrer qu’on peut vous faire confiance. » Il peut se rendre au domicile familial, mais à condition que X ne s’y trouve pas.
La grand-mère, à la peine de 6 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Même obligation de stage, même interdiction de contact.
Ils sont solidairement condamné à indemniser l’enfant. Le président du conseil départemental de Saône-et-Loire, en sa qualité d’administrateur ad hoc, se constitue partie civile, pour l’enfant.

Une ou deux remarques

Cet enfant-ci grandit dans une famille frappée de carences multiples. Il semble que le mode d’expression y soit spontanément violent et grossier. Cela dit, le geste du beau-père, qui consiste à écraser dans sa main les testicules du petit garçon, pour le mater et qu’il sache bien qui est le chef, c’est-à-dire le plus fort, reste fort inquiétant.
Autant les pratiques de baffes et de fessées (« C’est de la violence » rappelait la procureur), pour répréhensibles qu’elles soient, restent dans un domaine disons plus courant (on veut dresser le petit récalcitrant), mais ce geste-là… il craint vraiment. Il n’est pas anodin, il a quelque chose de meurtrier dans son intention.
Les baffes, les fessées, signent l’impuissance des adultes (et font le lit d’une maltraitance qu’on peut qualifier, hélas, d’ordinaire, sans affaiblir sa gravité). Les testicules c’est autre chose, ce n’est pas une variante au coup.
Ce monsieur va vivre deux ans sous main de justice, et de toute façon l’histoire ne s’arrêtera pas là parce que l’enfant va mal et a besoin qu’on s’occupe de lui.

 

Florence Saint-Arroman

 

https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/une-salle-d-audition-pour-les-enfants-victimes-amenagee-a-la-gendarmerie-de-bayonne-1617951655

 

  https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2010-10-page-859.htm

 

 

 

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