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vendredi 6 janvier 2023 à 12:03

Faits divers à Montceau-les-Mines



 

 

Il est sorti de prison. Sur un site de rencontres, il fait… une rencontre. Madame et son fils s’installent chez lui et sa fille. Les jeunes gens ont une brève histoire.

Leurs parents respectifs se séparent en octobre. « Je suis venu à Montceau pour me rapprocher de ma fille, c’était ça la raison. Maintenant… » Maintenant on est le 5 janvier et monsieur, 51 ans, est dans le box, parce que le 30 décembre dernier madame et son fils sont venus chez lui récupérer quelques affaires et une télé et que ça s’est bien mal passé. 

Violence et dégradation

Le 2 janvier madame dépose plainte contre lui, donne aux forces de l’ordre une photo de sa joue rougie (avec hématome de 4 cm constaté par médecin), leur fait écouter deux messages vocaux qui datent du soir des faits dont voici quelques bribes : « tu rentres chez moi, vous êtes morts », « tu n’es qu’une merde », « ta voiture c’était rien, aïe aïe aïe », « tu peux faire écouter aux gendarmes, je m’en … ». On lui reproche donc une gifle fracassante, d’avoir dégradé la voiture de madame, et des menaces de mort. Il reconnaît ses propos, s’est engagé à réparer les dégâts causés sur la voiture, mais la gifle, non. 

Quand il s’énerve, ça part en dynamite

A son casier, 15 condamnations, dont 7 pour violences, dont 4 pour violences conjugales. Dernière peine en 2019 : 3 ans de prison. Ça inquiète les magistrats : et s’il rencontre une autre femme et qu’il est contrarié ? « Déjà je vais vous dire y aura plus de femmes, j’ai 51 ans, je vais m’occuper de mes petits-enfants. » Il dit qu’il a changé… la présidente lui concède que son rapport d’insertion est excellent. Mais alors, quand il s’énerve, ça part en dynamite, il l’a même démontré devant le juge des libertés et de la détention. « J’étais énervé de partir en détention provisoire. » Le soir des faits, les menaces ? L’alcool, « je fais tout pour ne pas boire mais si je prends un verre… » La présidente Caporali liste tous les moments où il a enfreint les cadres et interdiction que la justice lui imposait, ça donne le pouls du tribunal.

Bilan du parcours de réinsertion : positif

Le prévenu est posé, à l’audience, son discours est fluide et calme. Il est le père de deux enfants majeurs, il n’a jamais connu ses parents biologiques. C’est un enfant de la DDASS, expression malvenue car l’administration ne saurait mettre d’enfant au monde. Il fut placé dans une famille d’accueil, il avait de très bonnes relations avec ces parents-là, aujourd’hui décédés. En mai 2022 il sort de prison et obtient un contrat d’insertion. Il s’investit beaucoup dans toutes les démarches nécessaires à se refaire une vie, il décroche un logement pour lui début octobre. La mesure d’accompagnement individualisé renforcé (AIR) a porté ses fruits. Il a gagné en indépendance, le bilan est positif… mais voilà…

Le milieu carcéral a-t-il des vertus pour apaiser des pulsions ?

La présidente Caporali le prévient du regard que porte le tribunal sur sa situation : « Avec toutes ces condamnations, toutes ces années de prison, avec une libération conditionnelle : vous devriez vous dire, là, je me tiens à carreaux. » C’est ce qu’un braqueur de coffre-fort pourrait se dire, peut-être : ‘je me fais oublier’ en ajoutant par devers lui ‘pour un moment’, mais un homme en proie à des pulsions agressives peut-il se dominer aussi facilement que ça ? Et le milieu carcéral a-t-il des vertus pour apaiser des pulsions ? Non. Soit il brise les personnes, soit il les recrache au mieux dans l’état dans lequel elles étaient entrées, au pire, dans un pire état (plus violents, plus opposants, etc.). Rares sont les rédemptions dans de telles conditions, tout le monde le sait, et le succès des avancées est soumis à pas mal de paramètres, dont l’accès à des psychothérapies de qualité avec des rendez-vous rapprochés et réguliers, et à supposer que le condamné le veuille vraiment. C’est comme courir après deux idéaux.

« Il n’y a pas d’alternative, ici, à la prison ferme »

Maître Marceau intervient pour la victime, « cette femme de condition modeste a besoin de sa voiture pour aller travailler, et maintenant elle a peur de lui ». Alexandre Marey, substitut du procureur, souligne que « tout part d’un litige au sujet d’une télévision », il ajoute que « 7 jours d’ITT pour un seul coup, c’est colossal ». « Quand on voit le casier de monsieur, on ne peut pas le laisser en liberté. C’est un séisme, ce casier ! Il n’y a pas d’alternative, ici, à la prison ferme. » Il requiert 30 mois de prison avec maintien en détention, et l’interdiction de contact avec la victime en peine complémentaire.

« S’il part en prison pour 30 mois il va tout perdre »

Maître Charbonnel prend le contrepied de cette lecture : « sans son casier judiciaire les enquêteurs seraient allés un peu plus loin. Le petit ami de la fille était présent, son identité ne figure même pas à la procédure ! ça s’est passé sur un parking, on aurait pu investiguer, mais non, on a son casier, alors… ». L’avocate défend l’attitude du prévenu qui à la suite reste sagement chez lui, et se rend au commissariat dans difficulté lorsqu’il est convoqué : « Il ne faut pas donner à ce dossier des proportions qu’il n’a pas ». « S’il part en prison pour 30 mois, il va tout perdre : son travail, son logement. »

12 mois ferme puis un sursis probatoire

Il ne part pas pour 30 mois mais pour 12 mois… Le tribunal le déclare coupable et le condamne à la peine de 24 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de travailler, d’indemniser la victime, interdiction de tout contact et d’aller chez elle.
Le tribunal ordonne le maintien en détention pour les 12 mois ferme, « pour prévenir la récidive, et au vu de l’état de récidive légale ».
L’homme garde la bouche légèrement entrouverte, il ne s’énerve pas et sort du box en ramenant spontanément ses poignets à l’arrière de son dos, pour les menottes. La comparution immédiate est la procédure la plus dure et la plus violente.

Florence Saint-Arroman

On peut s’intéresser avec profit à « la désistance » : http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2013/06/R%C3%A9cidive-et-d%C3%A9sistance.pdf
« L’analyse de la sortie de délinquance ne doit pas faire l’économie d’une analyse de la mobilisation institutionnelle et sociale à l’œuvre. Sur un plan institutionnel, il conviendrait d’interroger les dispositifs en place. La comparution immédiate, par exemple, si elle permet de réduire le temps long de la procédure, renforce en retour un mécanisme qui va à l’encontre du fait de prendre son temps, de prendre le temps de la dynamique de la trajectoire. Un examen des courtes peines, décriées par certains, serait utile également. Une étude des actions menées par les différents acteurs institutionnels sur le terrain apporterait un éclairage sur les pratiques tout comme l’étude des conséquences des décisions judiciaires lorsqu’elles viennent mettre à mal l’accompagnement social. Il est vrai qu’en matière de politiques publiques, il est davantage question de prévention, de gestion des risques, l’enjeu étant double à la fois de sécurité publique et d’éthique.
D’une manière plus large, l’action des magistrats mériterait d’être interrogée. La parole des magistrats dont on sait qu’elle est une parole qui compte, est déterminante. Il conviendrait de réfléchir à ce qui se dit, aux formes du dire. »

 

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