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jeudi 9 février 2023 à 12:17

Tribunal de Chalon



Patrice Guigon, procureur de la République du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône, a fait le point, lors de l’audience de rentrée le 18 janvier dernier, sur l’activité du parquet. Nous revenons sur ce bilan mais aussi sur « une situation préoccupante » : le nombre de procédures en stock en gendarmerie et dans les commissariats de police du ressort.

Une activité intense au quotidien, pour les parquetiers et pour leurs greffiers

« L’année 2022 a vu l’activité du parquet, s’agissant du nombre de plaintes, dénonciations et procès-verbaux qui lui sont parvenus, revenir à des proportions comparables à ce qu’elles étaient avant 2021. »
 Sur ces 19114 procédures reçues par le parquet : 8498 concernaient des auteurs qui sont restés inconnus et qui ne purent donc que faire l’objet d’un classement sans suite pour ce motif, 5161 procédures concernent des affaires dites poursuivables, c’est-à-dire pour lesquelles un auteur a été identifié et une infraction a pu lui être imputée.
Pour tenir compte de la capacité de jugement du tribunal, 2244 mesures alternatives aux poursuites ont été décidées par les magistrats du parquet et 1991 poursuites ont été initiées.
Résultats : 2176 décisions du tribunal, dont 653 dans le cadre de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et 662 par la voie d’ordonnances pénales délictuelles, et 199 comparutions immédiates. (En comparutions immédiates, chaque semaine des affaires de violence sur conjoint ou ex-conjoint, en vertu de la politique pénale nationale qui se poursuit, ndla). Enfin, 220 décisions rendues selon la procédure de CRPC-défèrement.

« Pour renforcer l’efficacité de l’action du ministère public »

Le procureur de la République remercie « Mesdames et messieurs les délégués du procureur de la République, pour leur engagement et leur efficacité. Votre concours permet de réserver au tribunal correctionnel les affaires qui le méritent et à celui-ci de les juger dans des délais satisfaisants, même si ceux-ci ont tendance à s’allonger faute de magistrats et de greffiers en plus grand nombre pour créer les audiences que la délinquance constatée dans l’arrondissement judiciaire de Chalon sur Saône permettrait aisément de remplir. »
L’activité du Parquet, c’est aussi la lutte contre la petite délinquance de proximité, les actes d’incivilité. Un travail de fond se poursuit avec les maires des petites communes. Nous l’écrivions il y a deux ans déjà : compte-tenu de la faiblesse des moyens de la justice, on multiplie les partenariats pour mailler là où l’on risque de ne pas pouvoir donner de réponse sans cela. Et puis le législateur provoque des réformes qui imposent également leurs exigences. Beaucoup de protocoles ont été signés en 2022, « pour renforcer l’efficacité de l’action du ministère public » dit Patrice Guigon.

Une situation préoccupante

Le législateur a fait une loi, dite « pour la confiance dans l’institution judiciaire », entrée en vigueur le 23 décembre 2021. Patrice Guigon remarque que « si cette disposition s’applique aux enquêtes initiées depuis l’entrée en vigueur de la loi, aucune dépêche ou circulaire d’application ne nous a encore été adressée, plus d’un an après cette entrée en vigueur, alors que le délai de deux ans à compter du premier acte d’enquête arrivera à expiration en décembre prochain », puis il revient plus particulièrement sur le nouvel article 75-3 introduit dans le code de procédure pénale qui vient limiter la durée d’une enquête préliminaire.

6497 procédures en stock rien que pour la zone police du ressort du TJ de Chalon

« Selon une évaluation de la DGPN, plus d’1,55 million de procédures judiciaires seraient en attente de traitement au 30 juin 2022 dans les seules directions départementales de la sécurité publique et donc sans comptabiliser les procédures de la Préfecture de police de Paris, avec un ratio moyen national de 104 dossiers par enquêteur, ni celles en cours dans les unités de gendarmerie. Cette situation est hautement préoccupante, puisqu’elle conduit à une légitime incompréhension des victimes et à l’impunité de nombre d’auteurs d’infractions.
Pour l’arrondissement judiciaire de Chalon sur Saône, ce sont, au 31 décembre 2022, 2622 procédures en stock en zone gendarmerie et 6497 en zone police, pour les commissariats de Chalon sur Saône, de Montceau les Mines et du Creusot, sans que l’on sache précisément ce qui a été ou n’a pas encore été fait en termes d’investigations. »

Or « pas de justice pénale sans enquêteurs »

En novembre 2021, la CNPR (conférence nationale des procureurs de la République) rendait publiques dix propositions pour le devenir de la justice pénale parmi lesquelles la proposition n°4 intitulée « Pas de justice pénale sans enquêteurs ». La CNPR appelait ainsi au renforcement substantiel du nombre des officiers de police judiciaire.
En l’absence d’enquêteurs en nombre suffisant, cette situation conduit les magistrats du parquet et les chefs des services de la sécurité publique, dont je connais et reconnais l’engagement, à faire quotidiennement des choix entre, d’une part, les procédures qui feront l’objet d’investigations et, d’autre part, celles qui attendront ou seront classées sans suite à défaut d’investigations permettant de tenter d’identifier les auteurs ou de caractériser les infractions commises (recueil des preuves à charge et à décharge).
Cette question de l’apurement des stocks devra nécessairement s’accompagner d’une augmentation
substantielle des capacités de traitement des procédures par les juridictions et particulièrement des parquets qui devraient enfin être dotés des moyens que notre pays mérite. »

Siège et parquet se rejoignent

Ce tableau réaliste rejoint celui que dresse le président du TJ : pourquoi les législateurs ne se préoccupent-ils pas de mesurer les impacts de leurs lois sur ceux qui sont chargés de les mettre en application et pourquoi ne tiennent-ils pas compte du défaut massif d’effectif côté forces de l’ordre, côté magistrats et greffiers ? Le procureur conclut en citant une tribune parue dans le Monde, signée par le directeur de l’Institut de sciences pénales et de criminologie à l’Université Aix-Marseille : « au-delà des réponses conjoncturelles, la justice pénale a donc besoin de moyens structurels et d’une réflexion en profondeur sur le sens de ses missions. (…) il ne s’agirait plus de savoir comment la justice pénale pourrait punir plus, ou punir plus vite, mais de déterminer avant tout ce qui doit être puni ; le pourquoi avant le comment ».

FSA

 

 

 

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