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vendredi 13 octobre 2023 à 05:55

Faits divers – Montceau-les-Mines



 

« J’ai un problème avec le sexe. J’ai beaucoup envie, j’ai énormément envie. » Il a 24 ans. Il vit à Montceau, parce que sa compagne y vit, mais voilà pas qu’il a agressé sa belle-sœur, âgée de 22 ans.

C’était le 8 août dernier. Il est jugé ce jeudi 12 octobre selon la procédure de comparution immédiate, il est en état de récidive légale. Il fallait d’abord une expertise psychiatrique, obligatoire pour tous les faits délictueux de nature sexuelle. 

L’audience est fluide car sur des faits désastreux du 8 août, il ne conteste rien. Il a entraîné la jeune femme dans sa chambre, s’est frotté contre elle en la tenant par les bras (elle a des hématomes sur les faces antérieures des deux bras, 1 jour d’ITT). Elle l’a mordu à l’épaule pour se dégager, il s’est ensuite masturbé devant elle. 

« Je suis vraiment désolé d’avoir fait ça. Je vais faire des choses pour être soigné »

Quand la présidente demande au prévenu : « Vous êtes conscient que c’est arrivé chez elle, avec son bébé dans la pièce à côté ? Vous vous mettez à sa place ? », celui-ci ne sait que répondre : « Non, j’arrive pas, non. » Cette réponse, sans provocation apparente, sans air bravache, laisse perplexe, car pour le reste, le prévenu est réglo. Il est même catégorique : la jeune femme n’était pas du tout ambiguë, le problème vient de lui, uniquement de lui. « Je suis vraiment désolé d’avoir fait ça. Je vais faire des choses pour être soigné. » Il est en détention provisoire depuis le 16 août. Il dit avoir fait trois demandes pour voir un psychiatre. Deux fois, on lui a répondu, dit-il, qu’il n’avait pas de problèmes. Il attend la troisième réponse. 

Un parcours tragique

« Vous avez eu une enfance très carencée », dit la présidente Barbut. Le jeune homme fut placé à l’âge de 5 mois. Il ne sait pas pourquoi et finalement ne tient pas à le savoir. Ses parents ont eu d’autres enfants. A 18 ans il va vivre chez son père, lequel le met dehors au bout de quelques mois. 
Le garçon était formé pour travailler comme maçon, mais il est épileptique : il ne travaille plus, ne perçoit pas l’AAH, n’a pas de revenus. S’il a un logement, c’est grâce à une association. 

Un casier judiciaire tragique

Son casier judiciaire est tragique, car outre une condamnation pour vol, il en porte 2 pour des agressions sexuelles, alors qu’il était jeune lui-même (et même mineur, la première fois) mais les victimes l’étaient davantage que lui. 
L’expert psychiatrique parle, dans son rapport, d’une personnalité « mal structurée », « de type état-limite », d’un niveau intellectuel inférieur à la moyenne. 

Il ne se sent pas en sécurité en prison

Le prévenu dit craindre pour sa sécurité en prison car il a tu le motif de son incarcération, et « bizarrement ça se sait » : « Comment ça s’est su ? » Donc il sait que ce genre de délit peut causer des soucis, il a cherché à s’en protéger, mais quand on lui demande de se mettre à la place de la victime il répond – vraisemblablement honnêtement – qu’il ne peut pas. C’est avec ça que la procureur va requérir, c’est aussi avec ça que maître Charrier va assurer sa défense.

« Il n’a rien contesté » versus « Il savait déjà qu’il a un problème »

La substitut du procureur dit regretter que le prévenu n’ait pas eu de parole spontanée pour la victime. « Il a déjà été condamné pour des atteintes sexuelles, donc on ne peut pas dire qu’il ne savait qu’il a un problème. » Elle requiert la peine de 18 mois avec maintien en détention et un suivi socio-judiciaire ensuite.
« Il a immédiatement reconnu tous les faits, plaide maître Charrier, là où la majorité conteste ce genre de faits, commis en huis-clos et où c’est souvent parole contre parole. Il n’avait aucune intention au départ, il voulait juste aider sa belle-sœur. Ce qui s’est passé, c’est de l’ordre du pulsionnel. »

Il faudrait qu’un psychiatre ou qu’un psychologue s’investisse avec lui

L’avocate pointe le cœur du problème : il met facilement à distance ce qu’il a fait, et en plus il dit « je ne peux pas me mettre à sa place » en parlant de la victime, oui, mais c’est à mettre en lien avec sa personnalité, de type état-limite, borderline : c’est pathologique. « Il ne peut pas se mettre à la place de la victime, il ne sait pas dire pourquoi il agit ainsi, il ne tire pas de leçons de ses antécédents, il a du mal à répondre aux questions qui nécessitent de la réflexion. Certes il a déjà eu un suivi : une fois par mois dans un CMP avec un psychologue… Donc un suivi-socio judiciaire, oui, mais 18 mois de prison : pour quoi faire ? »

Ce genre de suivi n’est pas sérieux

On l’a déjà écrit : ce genre de suivi pour des personnes condamnées n’est pas sérieux. Ce genre de suivi pour des personnes qui ont besoin d’une thérapie : ce n’est pas sérieux du tout. Et encore, avec un psychologue diplômé. Qu’en est-il quand les gens se rabattent sur des « psychopraticiens » qui font florès alors qu’ils ne sont pas sérieusement formés, sont donc incompétents à traiter de réels problèmes ?
C’est bien de demander des comptes à la justice, mais – on l’a déjà écrit également – la société en a à rendre aussi, sur ses choix, ce qu’elle promeut, ce qu’elle empêche, parce que faudrait savoir ce qu’on veut.

15 mois incarcéré puis 5 ans de SSJ

Le tribunal déclare le jeune homme coupable, le condamne à la peine de 15 mois de prison, ordonne son maintien en détention, le condamne également à un suivi socio-judiciaire (SSJ) de 5 ans (avec 3 ans de prison révocables en cas de manquement à ses obligations et interdictions). Le SSJ est assorti d’une injonction de soins, de l’interdiction de contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile, obligation d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individualisé renforcé) piloté par l’association AEM.
Le tribunal constate l’inscription du prévenu au FIJAIS.

Le tribunal l’enjoint à préparer un projet pour sa sortie de prison, et d’y commencer les soins tout en anticipant sur leur poursuite, une fois dehors.

FSA

Sur le travail du juge de l’application des peines, et sur ce qu’est un SSJ, on peut lire :
https://www.creusot-infos.com/news/bourgogne-franche-comte/bourgogne-franche-comte/l-application-des-peines-1-dans-les-coulisses-des-sursis-probatoires-ou-des-detentions-a-domicile.html
https://www.info-chalon.com/articles/2023/06/01/80358/l-application-des-peines-6-l-art-de-la-fugue-ou-un-suivi-aux-limites-du-possible/

 

 

Voir l'article : Montceau News




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