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vendredi 23 mai 2014 à 18:55

L’innovation au cœur de la réforme territoriale pour l’avenir des Départements »

"Décentralisation et départementalisation : 30 ans de retours d’expérience" pour Rémi Chaintron !



« L’œuvre décentralisatrice de 1982 a profondément renforcé la démocratie locale et a permis au Département de sortir de l’image d’institution surannée dominée par le « préfet et ses notables1 » pour devenir collectivité de plein exercice démocratiquement élue. Forts de cette légitimité, les Départements ont très tôt mis l’innovation au cœur de leurs politiques publiques. Ils ont imaginé et déployé des politiques de solidarité inédites dans les champs de la lutte contre la dépendance, de l’insertion sociale, de la protection de l’enfance, ou encore de l’accès au logement. Ils ont mis aussi leurs visions stratégiques et leurs ingénieries au service des territoires, en accompagnant les communes dans leur développement, en appuyant la montée en puissance de l’intercommunalité et en garantissant, partout en France, un niveau de services équitable.

 

Réactivité et inventivité des Départements

 

Confrontés à des enjeux inédits – enjeux de développement équilibré et durable du territoire, enjeux de mobilité, de transition énergétique, d’allongement de l’espérance de vie et d’autonomie, d’éducation, d’agriculture responsable etc., mais aussi enjeux d’équilibres financiers – les Départements ont diversifié leurs modalités d’interventions, adapté leurs gouvernances et leurs organisations, multiplié leurs partenariats. Ils se sont emparés des nouvelles technologies pour concevoir, inventer puis construire, dans leurs domaines de compétence, les services qui facilitent l’existence de chacun dans l’accessibilité aux services publics : l’assistance robotique, la téléprésence, les mobilités durables, l’e-éducation, la restauration collective responsable, etc.

 

Pertinence de l’échelon départemental ?

 

On croyait donc, à la lumière de ce dynamisme, et après les propos du président de la République tenus en janvier 2014, que la question de leur légitimité était désormais tranchée. Chacun s’accordait à reconnaître, avec le vote de la loi Mapam du 27 janvier 2014, que là où les intercommunalités étaient fortes et structurées, comme c’est le cas dans les métropoles, de nouvelles formes de gouvernance pouvaient être installées. Cela laissait présager que la diversité des territoires et leurs spécificités que nul ne peut méconnaître, étaient prises en compte.

 

Tant s’en faut, et malgré leurs réussites affichées et la plasticité dont ils ont fait preuve en absorbant sans heurts plusieurs vagues successives de transferts de compétences et de personnels, les Départements sont de nouveau présentés comme la collectivité de trop au sein du fameux « mille-feuille » territorial. Leur disparition contribuerait à la rationalisation et à l’efficacité de l’action publique, ainsi qu’à la réduction des déficits (rappelons au passage que la moyenne de l’endettement des Départements se situe autour de 500 € par habitant, dette saine assise sur des investissements, et que celle de l’État atteint 30 000 € par habitant).

Bien que rien ne prouve – ni études, ni évaluation approfondie, ni chiffres vérifiés à l’appui – que la raison d’être des Départements, dont nul ne doute qu’ils doivent encore évoluer ou se transformer, soit réellement et définitivement épuisée, le Premier ministre puis le président de la République, contre toute attente, ont tous deux annoncé la suppression prochaine, peut-être dès 2016, des conseils départementaux.

 

Ouvrir le débat : complémentarité, subsidiarité et contrôle démocratique

 

Quelles que soient les solutions qui résulteront des discussions, supprimer les conseils généraux ne supprimera pas la raison d’être des Départements. Gardons à l’esprit qu’ils demeurent des territoires et des espaces sociaux pertinents d’intervention, de participation citoyenne et de créativité. Ils le seront davantage encore dans le cadre de grandes Régions aux périmètres élargis, alors que les intercommunalités, hors les métropoles et les grandes agglomérations, resteront inévitablement de tailles encore trop modestes.

 

Imaginons alors une forme de gouvernance qui ne transforme pas simplement les Régions en syndicats interdépartementaux comme la réforme de 2010 en faisait courir le risque. Ne démantelons pas auprès d’une myriade de petites intercommunalités les services départementaux sociaux, d’éducation, culturels, routiers et autres qui travaillent aujourd’hui de manière décloisonnée et cohérente au plus près des besoins des territoires et de leurs habitants à une échelle territoriale pertinente, aux côtés d’un tissu associatif dont l’organisation est basée sur des fédérations structurées, elles aussi, à l’échelle du périmètre départemental.

 

Osons la subsidiarité, indissolublement liée à la notion même de grandes Régions qui ne pourront exister qu’avec les territoires intermédiaires que sont les Départements.

 

Explorons la voie d’une gouvernance unifiée sur un périmètre régional élargi intégrant les Départements. Confions bien à ce niveau régional le pilotage stratégique des grandes politiques publiques de développement économique, d’aménagement durable, la formation et les grandes infrastructures. Mais laissons au niveau départemental ou interdépartemental, sous l’impulsion et le contrôle démocratiques des élus et des citoyens, ce qui appartient au champ des solidarités humaines et territoriales.

 

Rendons à la solidarité nationale ce qui relève de sa responsabilité, c’est-à-dire le versement des allocations nationales de solidarité dont l’équilibre du financement ne peut plus reposer sur les seules collectivités locales.

 

Rien ne serait plus contradictoire avec ce mouvement vers la modernité institutionnelle que l’improvisation et la standardisation. Rien ne serait pire qu’une réforme contre les territoires et les citoyens, abandonnant certains d’entre eux, dans de larges espaces interstitiels, à la précarité, à la fragilité et à l’isolement.

 

Innovons dès à présent, sans présupposés et sans injonctions inutiles ! Ouvrons le débat en gardant à l’esprit l’œuvre décentralisatrice de 1982, sa foi en la démocratie locale, en prenant appui sur la force créative dont ne cessent de témoigner, dans la définition et la mise en œuvre de leurs politiques publiques, les Départements. »

 

Rémi Chaintron
Président du Conseil général de Saône-et-Loire, en charge de la mission « L’innovation dans les politiques départementales » confiée par l’Assemblée des Départements de France

 

CHAINTRON 23 10 2012

 

 

 

 

 



 

 

 

 



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