France : quand les taux montent et que l’angoisse médiatique s’emballe
Certes, en France, nous empruntons plus cher que la Grèce… mais nous rassurons les marchés ( ?). C’est l’information délivrée entre autres par France Info ce 15 août dernier.
En 2025, la France se finance à des taux d’intérêt supérieurs à ceux de plusieurs pays européens, y compris la Grèce, une situation symboliquement et financièrement alarmante, mais qui contraste avec une capacité intacte à lever l’impôt et à maintenir la confiance des investisseurs.
Les Français, les marchés, assistent à un retournement inédit : la France est plus chère que la Grèce.
Il s’agit là d’une première historique. Le 27 novembre 2024, pour la première fois, le rendement des obligations françaises à 10 ans a brièvement dépassé celui de la Grèce, passant à environ 3,05 %, contre 3,02 % pour Athènes. Plusieurs médias soulignent ce phénomène inédit, interprété comme un camouflet pour la France, considérée traditionnellement comme un emprunteur de référence.
Une défiance croissante semble s’installer face à l’instabilité politique et budgétaire. D’abord l’inquiétude des marchés : Cette inversion des taux traduit une méfiance vis-à-vis de la stabilité du gouvernement et des finances publiques, dans un pays toujours en proie à des tensions politiques. Ensuite la remise en question de la qualité de signature de la France du fait que le spread (écart) entre les taux français et allemands atteint des niveaux vus pour la dernière fois en 2012. Les commentateurs voient là un signe patent de risque qui suscite une défiance.
Il est vrai que le contexte financier pèse lourd dans les analyses des experts et des médias.
En premier, une dette publique record : En 2025, la dette française s’élève à plus de 3 100 milliards d’euros, soit environ 111 % du PIB. D’autres estimations sont encore plus alarmantes, évoquant une dette de 3 305 milliards ou 115 % du PIB. En second, un poids accru du service de la dette (paiement des intérêts) qui pèse de plus en plus lourdement dans le budget : le coût devrait passer de 46 milliards en 2024 à 75 milliards en 2027 et déjà 60 milliards rien que pour 2025 selon d’autres calculs.
La question qui vient d’office à l’esprit, c’est : « Pourquoi les investisseurs continuent-t-ils de faire confiance ? »
Ils estiment que la France conserve une capacité intacte à lever l’impôt. Contrairement à la Grèce d’avant-crise, la France dispose d’un système fiscal efficace, avec une faible économie souterraine ; l’État peut donc compter sur ses recettes et n’a pas besoin d’un plan d’aide internationale comme le FMI.
Il existe, à leur sens, une véritable et solide attractivité de l’épargne nationale.
L’épargne des Français représente près de 6 000 milliards d’euros, soit presque le double de la dette. Les investisseurs jugent que l’État peut puiser — via la fiscalité — dans cette réserve en cas de crise, ce qui renforce la confiance. Pas forcément les épargnants. Et puis autre argument favorable, la liquidité des obligations françaises. Les titres de dette publique française sont très liquides, facilement échangeables. Cela rassure les investisseurs, même en cas de volatilité.
Quelles sont les perspectives pour la France vues par les marchés, les experts et les commentateurs ? Ils s’attendent à des tensions budgétaires persistantes : Le débat sur le budget 2025 reste marqué par la défiance, avec des déficits structurels supérieurs à 4-6 % du PIB et des agences de notation sur la réserve (Fitch, Moody’s). Pour eux il existe toujours un risque de dégradation durable : Dans un scénario défavorable, la dette pourrait grimper jusqu’à 121 à 130 % du PIB d’ici 2029 selon la Cour des comptes. Mais si la France ne peut faire all in sur le tapis de l’économie, ils trouvent qu’il lui reste un atout fiscal unique : Malgré ces alertes, la capacité à lever efficacement l’impôt et à mobiliser l’épargne intérieure demeure la clé qui distingue la France de ses voisins les plus fragilisés.
Alors, oui, la France emprunte désormais parfois plus cher que la Grèce, un symbole fort de défiance, mais elle dispose toujours d’atouts majeurs : un système fiscal robuste, une épargne nationale considérable et des titres publics très liquides. Tant que ces éléments perdurent, les marchés continueront de lui accorder un crédit, même si le chemin reste compliqué. Les médias continueront bien entendu leur danse macabre autour du grand cadavre à la renverse de la France et rien ne se résoudra.
Comme disait le petit père Queuille dans un célèbre aphorisme : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. »
Gilles Desnoix
Sources : Europe 1, France Soir, France 24, Reuters, MarketWatch, Financial Times, Investing.com, Jean Le Cam, BusinessBourse, Le Monde.fr, France Soir, Fondation IFRAP.