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lundi 6 novembre 2023 à 05:51

Une nouvelle épreuve inscrite aux JO 2024, l’accessibilité



 

 

Le 31 octobre Olivia Grégoire a affirmé sur RMC : « À peu près un Français sur six est en situation de handicap, visible ou invisible. » et « 560 000 boutiques, restaurants, cabinets médicaux et autres établissements recevant du public de cinquième catégorie ne sont toujours pas accessibles aux personnes vivant avec un handicap ». Il convient donc qu’en vue des JO 2024 on fasse tout pour faciliter la vie de nombreux Français qui vivent avec un handicap et par le même coup des étrangers se déplaçant pour cette grande fête mondiale du sport.

En dehors du fait que depuis plus de 40 ans le problème de l’accessibilité des établissements recevant du public n’est pas réglé, la mention d’un français sur 6 souffrant de handicap visible ou invisible a de quoi choquer.

 

Et comme d’habitude lorsque l’on veut faire oublier l’inaction on sort le carnet de chèque. À partir du jeudi 2 novembre, parmi ces 560 000 établissements ceux qui le veulent peuvent s’inscrire sur le site de l’ Agence de services et de paiement pour demander une aide financière à l’État. Prise en charge prévue de 50% du prix des travaux d’accessibilité avec un plafond d’aide à 20 000 euros. Aux coûts actuels 40 000 euros de travaux cela reste limité.

 

Revenons-en au « un français sur 6 »… l’affirmation a de quoi interpeller. Sur le site des différents ministères et organismes ou agences traitant de ce sujet on retrouve ce chiffre avec une ventilation par catégories, sexes, etc.

 

Sauf qu’en creusant un peu, voire beaucoup, on se rend compte que nous avons à faire à des chiffres calqués sur des études anciennes qui reprennent des études anciennes qui ne reposent sur rien de tangible.

La technocratie du chiffre et de la statistique trouve là l’expression de ses limites endogènes. D’ailleurs il ne s’agit pas d’un Français sur six mais d’un individu sur 6 dans la tranche d’âge 15 ans et plus. Déjà on retire les 0/15 ans. Ensuite la notion de  situation de handicap, visible ou invisible n’existe pas en matière de statistiques. En France il existe des critères stricts concernant la reconnaissance du handicap. Il s’agit là d’un glissement sémantique incorporant les personnes à mobilité réduite . Si l’âge devient un handicap reconnu, tout comme les petites tailles, les problèmes de vue, l’arthrite et autres  on passe allègrement à trois français sur six. Mais trêve de plaisanterie. Voici la chronologie d’une exagération annoncée.

2021 : un français sur 7 de 15 ans et plus. Chiffre des différents ministères et organismes
Le chiffre précédent s’appuie sur un rapport  du ministère de l’Économie sur la mise aux normes d’accessibilité des établissements recevant du public datant de 2019, Ce rapport reprend des chiffres datant de 2008. Ils figurent dans l’enquête Handicap-Santé de l’Insee 2008 ; Sauf que cette fois encore tous les français ne sont pas pris en compte, seules  les personnes âgées de 16 ans et plus vivant dans un logement ordinaire sont retenues dans l’échantillon, Ce qui en passant laisse sur le côté du trottoir infranchissable les enfants de moins de 16 ans et les  personnes hébergées dans des établissements spécialisés. Bref, ce qui n’empêche pas en 2019 la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et le service de statistiques du ministère de la Santé d’invoquer le chiffre de 12,5 millions de personnes âgées d’au moins 16 ans vivant à domicile en France,
 
En avril 2023, la DREES, dans un document titré  « Le handicap en chiffres », adossé à l’enquête Vie quotidienne et santé de l’Insee, a estimé le nombre de personnes handicapées ou dépendantes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire à 7,6 millions , soit une personne sur sept de 15 ans ou plus.

Encore une fois un amalgame de personnes handicapées, dépendantes et autres. Le flou total car il n’y a pas un comptage officiel dans le domaine. La DREES le reconnaît dans son rapport de 2023 « il n’y a pas de définition unique de ce qu’est le handicap. Il existe une pluralité de façons d’appréhender cette notion ». Dont acte.

Pour le moins, donc au sens le plus strict du terme il n’y aurait en France que 2,6 millions de personnes en situation de handicap, soit un Français sur 20. C’est à dire que ces personnes là cumulent deux critères précis de l’administration : « limitation sévère » et  « forte restriction ». Mais déjà un français sur 20 aurait du être un chiffre d ‘alarme bien avant la préoccupation des JO 2024. Passons…

Entre 2,6 millions et 12,5 millions comme affirmé dans le rapport de 2019 il y a presque dix millions de personnes et surtout un grand flou dans les statistiques gouvernementales.

Ce flou se retrouve dans les définitions plus ou moins approximatives utilisées sans soucis de cohérence par les organismes gouvernementaux. Les  termes « handicap », « accessibilité », « personnes à mobilité réduite » et « personnes âgées » ont chez chacun d’entre eux une signification différente ou approximativement proche.

Rappelons que pour l’OMS, à compter des années 80, la notion de handicap a évolué vers la prise en compte de causes exogènes : le handicap n’est pas considéré uniquement du point de vue d’une déficience mais appréhendé comme résultante d’interactions avec  l’environnement ( physique et social) et l’ensemble des difficultés et obstacles se dressant dans  la vie quotidienne des personnes.

On comprend mieux les chiffres annoncés, mais jamais prouvés, et l’affirmation de la ministre. Sauf que l’on ne devrait pas parler d’ »À peu près un Français sur six est en situation de handicap, visible ou invisible. », mais d’un environnement physique et social dressant des difficultés handicapant une grande partie des Français. Et là on ferait apparaître l’inaction de l’état et de beaucoup de collectivités qui pendant plus de 40 ans se sont évertués à toujours repousser les délais, à prévoir des tonnes d’exceptions aux textes destinés à rendre la ville et les établissement recevant du public accessibles à tout le monde.

Avant que l’enfant marche il est véhiculé dans une poussette, demandez aux parents qui galèrent à la conduite de ces engins rétifs s’ils sont dans les « un français sur six » ou dans la majorité des français qui pestent parce que rien n’est fait pour eux, y compris dans la lutte contre le stationnement sauvage.

 

Gilles Desnoix

 

 

Voir l'article : Montceau News




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