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lundi 3 mars 2025 à 05:44

La Claudine aime les Week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu



 

Tout un weekend à lire et relire « La puce à l’oreille » de Claude Duneton, l’anthologie des expressions populaires avec leurs origines, et voilà que la Claudine butte sur une expression d’antan : « Courir le guilledou ». Et quand elle a quelque chose dans la tête, la Claudine, ça lui fait du profit.

À une période dans laquelle beaucoup se désolent que l’on parle de moins en moins le français et de plus en plus un sabir formé d’un conglomérat d’anglicisme, d’expressions étrangères ultratransformées, de néologismes abréviatifs aussi divers que communautaires, la Claudine regrette « grave » la disparition du langage fleuri de sa jeunesse. 

Quand elle constate que l’on prend date, que l’on check des profils sur le net, que l’on fait partie de bases de données pour trouver, non plus l’âme sœur, mais des partenaires, elle pète un plomb, comme elle disait dans sa jeunesse.

Dans le domaine amoureux que sont devenues les expressions fleuries comme conter fleurette, effeuiller la marguerite, avoir des atomes crochus, avoir le béguin, conquérir l’élu.e de son cœur, déclarer sa flamme, dire des mots doux, faire de l’œil à quelqu’un, faire les yeux doux, voir la vie en rose.

Ceci bien entendu pour ceux qui n’ont pas un cœur d’artichaut, qui courtisent la brune et la blonde ou le blond et le brun, qui ne sont pas des bourreaux des cœurs, des butineurs ou des butineuses : enfin pas des personnes réputées pour courir le guilledou.

Ah, dans la jeunesse de la Claudine, pour la jeune fille qu’elle était, cette expression surannée avait un parfum de souffre et d’eldorado érotique. Pour ces parents, cela signifiait, les lèvres pincées et le regard désapprobateur, un mauvais sujet, point à la ligne.

En effet, courir le guilledou signifiait la galanterie de mauvais aloi, les aventures amoureuses faciles et par corollaire, les femmes de mauvaise vie, le coup de canif dans le contrat de mariage, une vie de bâtons de chaise pour des personnes qui soit négligeaient leur travail, leur famille, leurs études, soit n’avaient que peu de sens moral et se jouaient des sentiments des autres, surtout des jeunes filles naïves.

Mais d’où vient cette expression désuète, rencontrée dans la littérature classique française (Mirebeau, George Sand, Balzac) ?

 

Pour certains, le terme Guilledou serait un dérivé de l’occitan aguillodo, le lacet qui ferme une braguette. Depuis 1398 et les lettres de privilège de Charles VI, les chaussetiers de la capitale avaient le droit de vendre des chausses garnies d’aiguillettes et de lanières, ce qui donnera plus tard la braye ou braguette… On voit là tout de suite la connotation sexuelle de cet objet, on séduit (ou pas) pour obtenir une faveur spéciale.

Pour d’autres, que nenni, cela ne peut être aussi grivois et trivial : il s’agirait en fin de compte d’une transcription d’un mot de la langue viking, le vieux norrois, Kveld-Úlfur, « loup du soir », préfiguration du loup-garou. On retrouve cette formule dans l’expression « elle a vu le loup ».

Les encyclopédistes, eux, ne barguignent pas : il y a une référence au sexe dans cette expression surannée qui proviendrait d’un accouplement entre guiller, « tromper, séduire », un verbe ancien, et l’adjectif doux, « tendre, agréable ». Cela signifierait tromper avec des paroles tendres et des airs agréables. Comme dit l’autre, « il y aurait anguille sous roche »

 

Mais la Claudine est bien consciente que maintenant, on ne conte plus fleurette pour séduire et obtenir le cœur d’une personne, on envoie un I majuscule avec un cœur pour pécho. La poésie a disparu du cheminement qui mène à l’acte et ce dernier n’est plus un don (on disait se donner à…) mais un « coup ».

Le petit-fils de la Claudine résume sa philosophie par un « OKLM, je tise avec une zouz, c’est de la boulette, Yolo ». Et la Claudine se demande : « Oui, mais quelle copine ? Je ne les connais pas toutes et des fois il me dit que c’est une copine, mais en fait, c’est plus et d’autres fois c’est moins, alors ? »

 

Mais peut-être que son petit-fils « pécho » comme d’autres couraient le guilledou ?

 

Gilles Desnoix

 

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