La Claudine aime les weekends, et parfois, le lundi, il y a de l’espoir.
Lorsque la Claudine discute avec ses voisines, elle se rend compte qu’un certain nombre de problèmes qui se posent au niveau des retraités se posent aussi pour leurs petits-enfants qui entrent dans la vie active, suivent des études ou accueillent leurs premiers enfants.
Des inquiétudes concernant le quotidien, l’avenir à plus ou moins long terme et, chaque fois, l’impression que les réponses sont intrinsèques aux tranches d’âges. Pourtant, les mêmes sujets de préoccupation, sous des formes différentes certes, mais pas si éloignées que ça.
Les préoccupations temporelles, par exemple : les jeunes sont souvent préoccupés par leur entrée sur le marché du travail, l’accès au logement et la construction de leur carrière. Leur horizon temporel est orienté vers le long terme, avec des préoccupations concernant l’évolution de la société et leur place future dans celle-ci. Les retraités, eux, leur préoccupation principale est de maintenir leur niveau de vie actuel et de faire face aux coûts croissants des soins de santé. Leur horizon temporel est plus immédiat, avec une attention particulière portée sur la stabilité de leurs revenus et la gestion de leurs économies. Pour les uns, ça va être long et difficile tout ça ; pour les autres, ça risque d’être court maintenant et compliqué.
On retrouve cela aussi dans les sources d’incertitudes : les jeunes sont confrontés à des incertitudes liées à l’éducation, à la formation continue et à l’évolution rapide des compétences requises sur le marché du travail, à leur inclusion dans ce dernier et à sa capacité à offrir un environnement et un espace épanouissant pour eux, leurs visions du monde, etc. Les retraités ont d’autres incertitudes souvent liées à la santé, à la dépendance et à la capacité de leurs pensions à suivre l’inflation. Ils peuvent également être préoccupés par la transmission de leur patrimoine, mais aussi par leur invisibilisation dans le monde moderne individualiste. Les jeunes ont aussi une vraie attente économique et sociale concernant leur niveau de vie, on le voit à la fois pour les étudiants qui peinent à subvenir à leurs besoins et au coût de leurs études, mais aussi pour les jeunes travailleurs qui débutent ou sont en alternance.
Et la Claudine connaît un sujet qui réunit les jeunes et les retraités : le logement. Pour les jeunes, c’est la galère d’accéder au logement avec toutes les barrières des cautions, des mois de loyer à payer d’avance, CDD et travail partiel ou en intérim avec ce que cela implique de précarité. Pour les vieux, les résidences sont de plus en plus hors de prix, ce qui implique souvent le soutien familial des enfants, et elles ressemblent trop souvent à des ghettos gérontologiques. La Claudine, elle n’en veut pas.
Du coup, elle est allée se promener à Paray-le-Monial, où existe un béguinage, elle a visité des résidences intergénérationnelles qui accueillent aussi des jeunes, de l’habitat partagé où l’on loue une chambre, par exemple. Pas facile d’accueillir quelqu’un chez soi dans son intimité. La ville de Montceau a parlé de lancer une politique de l’habitat intergénérationnel, elle ne sait pas où cela en est. Mais elle se dit que ça pourrait être une solution pour les deux générations.
On lui a dit que la résidence Henri Malot pratiquait ça. Elle a lu aussi que le FJT de Montceau, au Plessis, cherchait à se déplacer pour se réinventer, car il étouffe dans ses locaux vétustes et obsolètes. Pour la Claudine, tout peut être simple quand on veut trouver des solutions. Elle aimerait bien vivre dans un lieu où l’on trouverait toutes les générations mélangées avec tous les services publics de santé adaptés.
Elle réfléchit à tout ça en buvant son café de 4 heures et en grignotant sa madeleine faite maison.
« En fait, il faudrait réinventer le village, ses familles multigérationnelles et faire revenir les services publics avec des humains au guichet. » Elle rêve un moment et se dit : « ma pauvre Claudine, tu n’es pas de ton temps, tes souhaits sont virtuels dans un monde froidement pragmatique et impersonnel. Pourtant, ce serait bien et si profitable pour tous. Et puis penser à ça, c’est mieux que de se laisser plomber la joie de vivre en écoutant les infos en continu qui, tout le weekend, ont parlé de guerre et de réarmement. »
Parfois, rêver est une utopie qui fait du bien.
Gilles Desnoix