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jeudi 10 avril 2025 à 06:02

Un point sur les fameux droits de douane imposés au monde par Donald Trump



 

À longueur de journaux télévisés, d’articles de la presse écrite, de posts apocalyptiques ou angéliques sur le net, l’affaire des droits de douane américains n’en finit pas d’étaler les épisodes de son feuilleton parfois glaçant, parfois saugrenu. Mais de quoi parle-t-on en fait ? Car si l’on débat, on ne parle pas souvent du fond, mais plutôt des options politiques, des interprétations des gesticulations diverses et des discours pléthoriques en la matière.

 

On parle de droits de douane : qu’est-ce réellement et sur quoi s’appliquent-ils ?

Ce sont des droits qui s’appliquent aux produits importés, ici les USA en provenance du reste du monde. Ils sont calculés sur la valeur globale d’un bien, c’est-à-dire sur la valeur des marchandises additionnée des coûts de fret et d’assurance, ainsi que de tous frais supplémentaires venant se greffer.

Ainsi, un bien dont le prix de vente TTC est de 100, sera tous autres frais additionnés de 115 par exemple. Un droit de douane de 20  % s’appliquera sur les 115 et non sur les 100, donc à la vente aux USA, il ne sera pas de 120, mais de 138.

Ce qui, effectivement, surenchérit encore plus le bien en question. Cela surprend souvent les Européens, car il n’existe pas de droits de douane entre pays de l’UE, mais l’UE et les pays qui la composent appliquent des droits de douane sur tous les produits importés hors Europe.

 

C’est l’OMC (Organisation mondiale du commerce), une institution internationale, qui supervise et régule le commerce international entre les pays membres.  Elle a mis en place des accords spécifiques pour harmoniser et standardiser les pratiques douanières en ce qui concerne la valeur en douane des marchandises importées. Cet accord de l’OMC sur la valeur en douane adopté en 1994 met en œuvre l’article VII de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Il s’agit par ce dispositif de garantir une évaluation juste, uniforme et neutre des marchandises, tout en limitant le recours à des pratiques arbitraires et discriminatoires. À des fins douanières, il a été créé un système transparent où la valeur en douane reflète le prix réel payé ou à payer dans le cadre d’une concurrence équitable d’une plus grande fluidité du commerce mondial.

Même s’ils peuvent être considérés comme légitimes, les droits fixés par Donald Trump, par décret, sans recours au congrès américain s’éloignent dans leur pratique de l’accord de l’OMC, ne serait-ce que par l’aspect de guerre économique non équitable qu’il génère.

Ce n’est pas la première fois que cela se produit avec Trump, car, lors de son mandat 2017/2021, il avait déjà appliqué une hausse des droits de douane.

Par exemple, en 2019, une taxe de 25  % a été imposée sur les vins tranquilles français, causant une chute des ventes aux États-Unis  ; idem pour les fromages français ou les spiritueux comme le cognac.

 

Ceci posé, quels peuvent être les effets sur l’économie européenne et française ?

 

Les droits de douane imposés par Donald Trump sur les produits européens auront plusieurs impacts significatifs sur l’économie européenne et française  :

Les droits de douane supplémentaires, en effet, il s’agit d’une hausse par application de pourcentages supérieurs à ceux pratiqués jusqu’à présent, rendront les produits européens plus chers sur le marché américain, ce qui pourrait réduire les exportations de l’UE vers les États-Unis. Cela affectera particulièrement les secteurs fortement dépendants des exportations vers les États-Unis, comme l’automobile, l’aéronautique et les vins et spiritueux.

Par contrecoup, il y aura des répercussions sur les entreprises et les consommateurs : Les entreprises européennes pourraient voir leurs coûts augmenter en raison des droits de douane, ce qui pourrait se répercuter sur les prix pour les consommateurs. Les entreprises pourraient également être confrontées à une concurrence accrue de la part de produits non européens qui ne sont pas soumis aux mêmes tarifs.

Cela entrainera forcément des perturbations de la chaîne d’approvisionnement : L’économie mondiale étant fortement imbriquée, les droits de douane pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement, rendant plus difficile l’obtention de certains produits à des prix raisonnables. Cela pourrait affecter la production et les opérations des entreprises européennes.

Encore une fois, on a l’exemple de la période 2017/2021, lors du premier mandat de Trump, au cours de laquelle l’augmentation des droits de douanes et des taxes avait entrainé une perte de compétitivité de l’UE par rapport à d’autres pays qui n’étaient pas visés par ces tarifs  : les entreprises européennes ont été moins compétitives sur le marché américain. Et cette situation a eu des effets en cascade sur l’emploi. Les experts et les acteurs économiques ont constaté qu’une baisse des exportations peut impacter l’activité des entreprises exportatrices, ce qui peut mener à des pertes d’emplois, surtout dans les régions dépendantes des secteurs touchés, et c’est bien ce qui s’est déjà produit. Présentons un simple exemple pour illustrer : Baisse des exportations vers les États-Unis
Les droits de douane rendent les produits européens plus chers aux yeux des consommateurs américains, ce qui peut entraîner une baisse de la demande. Cela a affecté des secteurs clés comme l’aéronautique (Airbus), le vin et les spiritueux (France, Espagne, Italie), les produits agroalimentaires (fromages, olives, etc.).

Selon une étude de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) publiée en décembre 2021, les hausses des tarifs douaniers américains décidées par Donald Trump entre 2017 et 2021 ont entraîné une baisse de 1,7  % des exportations européennes vers les États-Unis, soit environ 15 milliards d’euros de pertes cumulées sur cette période. Cette réduction d’exportations a entraîné une perte d’emploi de 95 000 postes en Europe, principalement dans les secteurs manufacturiers et agroalimentaires. Les effets les plus significatifs ont été constatés en Allemagne, en Espagne et en Italie. Les hausses de tarifs sur les produits d’origine européenne ont également entraîné une réduction de la consommation européenne de ces produits et une augmentation de leur prix pour les consommateurs.

Il convient de se rendre compte que, même s’il ouvre des négociations bilatérales, Trump refuse tout type de négociations multilatérales, cela aura un réel impact sur les relations commerciales entre les États-Unis et les pays européens. En plus de la méfiance née à l’égard d’un partenaire de longue date, les nouveaux droits de douane pourraient modifier l’équilibre existant et perturber l’économie de certains pays. Par exemple, la France avait un léger excédent commercial avec les États-Unis en 2023 ; qu’en sera-t-il dans l’avenir ?

En résumé, les droits de douane imposés par Trump auront un impact massif sur l’économie européenne, affectant les exportations, les entreprises, les consommateurs et l’emploi, tout en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en risquant d’entraîner des représailles de l’UE.

Des mesures de rétorsion pourraient être mises en place, ce qui pourrait conduire à une escalade des tensions commerciales et à une guerre commerciale plus large.

Dans ce bras de fer que Trump impose au reste du monde, même à une île peuplée uniquement de pingouins, les conséquences économiques globales se mesurent à court terme  : tensions commerciales, incertitude, ralentissement des exportations, pertes ciblées  ; à moyen terme  : adaptation stratégique des entreprises (diversification, montée en gamme), réponse diplomatique de l’UE  ; à long terme  : pression pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, notamment dans les secteurs industriels clés.

Les effets macroéconomiques pour l’Europe et la France sont de 2 ordres portant sur les exportations  : frein à la croissance des exportations vers les États-Unis  ; sur l’emploi  : risque de pertes d’emplois dans les filières touchées. Mais ils suscitent 2 types de contre-feux : pour l’UE, des mesures de rétorsion vis-à-vis des USA et la mise en place de négociations à l’OMC, mais aussi un renforcement des incitations à diversifier les marchés et à renforcer la souveraineté économique européenne et à développer de nouveaux marchés vers l’Asie et surtout l’Afrique.

Il faut être conscient que cela entrainera forcément une réduction de la croissance économique européenne avec une baisse du PIB de l’Union européenne comprise entre 0,33  % et 1,5  % en 2025. Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique que ces mesures pourraient réduire le PIB européen de 1  % si les taxes atteignent 25  % sur tous les produits.

Les tarifs douaniers imposés par les États-Unis en avril 2025 ont un impact notable sur l’économie française, affectant la croissance, fragilisant des secteurs clés comme la viticulture et suscitant des réactions prudentes de la part des autorités et des entreprises françaises.

Le Premier ministre français, François Bayrou, a averti que ces nouveaux tarifs pourraient réduire la croissance du PIB français de plus de 0,5 point. Il a également souligné que ces mesures pourraient déclencher une crise économique mondiale et entraîner des pertes d’emplois significatives. Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a conseillé aux entreprises françaises de suspendre leurs investissements aux États-Unis en raison de l’incertitude croissante liée aux tensions commerciales. Il a souligné que de nombreux projets d’investissement sont désormais compromis. Patrick Martin, président du Medef, a exprimé sa préoccupation concernant le risque de récession engendré par ces tarifs, soulignant leur impact potentiel sur la croissance économique mondiale.

16  % des exportations hors UE de la France sont à destination des États-Unis, contre 46  % pour l’Irlande, 26  % pour la Finlande, 23  % pour l’Autriche et le Portugal, 22  % pour l’Italie et l’Allemagne, par exemple. Notre pays sera donc moins touché, mais certains secteurs subiront des pertes. Rappelons que l’aéronautique représente 17,6  % des exportations vers les États-Unis, soit 7,9 milliards d’euros en 2023, que les vins et spiritueux pèsent 3,9 milliards d’euros dans ces échanges et les produits pharmaceutiques 4,1 milliards d’euros. Tous risquent bien de perdre des parts de marché. Il en va de même pour les fromages et autres produits laitiers.

Pour compléter, il faut aussi voir le revers de la médaille, car, en cas de riposte de l’UE (ce qui semble se dessiner, même de manière floue, hésitante et en ordre dispersé), les produits américains importés (électronique, vêtements, etc.) deviendront plus chers, pesant sur le pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation persistante, même relativement basse.

 

En conclusion : en 2025, l’économie européenne subira un choc modéré mais inégal, l’Allemagne étant la plus vulnérable. Pour la France, les pertes seront concentrées sur des secteurs stratégiques, avec un impact limité mais notable sur la croissance et l’emploi. Après 2025, l’enjeu dépendra des stratégies d’adaptation et des relations transatlantiques, dans un climat d’incertitude économique et géopolitique.

Voilà ce qui pouvait être dit dans l’état actuel d’une situation politique et économique volatile et incertaine concernant ces hausses de droits de douane décidées par le Président des USA par décret sans vote du Congrès.

 

À chacun de se faire son opinion et de réagir.

 

Gilles Desnoix 

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