Final du réquisitoire lors du procès Slánský le 27 novembre 1952 à Prague.
Pour cela, il faut connaitre son histoire, ça évite d’en répéter les erreurs. Mais est-ce que les mauvaises habitudes ont la vie dure ?
Rappelons que Rudolf Slánský était secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque (PCT) et numéro deux du régime. Il a été condamné à mort et exécuté avec 10 autres coaccusés et cocondamnés, lors d’un procès retentissant, mené tambour battant du 20 au 27 novembre. Quant au verdict final, « onze cravates de chanvre et trois condamnations à perpétuité », il fut exécuté le 3 décembre 1952. Le verdict provenait de la main même de Klement Gottwald, le chef du PCT. Il est à noter que, sur les 14 condamnés, mort et prison, 11 étaient juifs. Leurs crimes ? Être des « traîtres trotskistes-titistes-sionistes, ennemis du peuple tchécoslovaque ».
Le film : l’Aveu (1969), tiré du livre éponyme d’Artur London écrit en 1968, au moment même du printemps de Prague, raconte cette histoire. On connait la suite brutale de ce fameux printemps pour la Tchécoslovaquie et l’invasion soviétique.
En 2021, Ruth Zylberman a réalise « Le procès – Prague 1952 », un documentaire qui retrace la trajectoire de trois accusés
On retrouve là les mêmes ressorts, les mêmes pratiques et moyens que dans le procès de Laszlo Rajk en Hongrie en 1949. Car le procès Rajk comme le procès Slánský sont des procès visant une épuration politique à l’intérieur du Parti communiste, dans les sphères les plus hautes du pouvoir.
L’histoire a apporté la réhabilitation des condamnés dans les procès dits staliniens, sans que parfois l’opprobre ne s’efface et que les successeurs ou militants politiques condamnent dans leur majorité ces injustices.
« Avec Slánský, la Révolution a commencé à manger ses propres enfants. » Václav Černý
Il serait bon que ces méthodes appartiennent réellement à des époques révolues et que l’on ne retrouve pas une telle dialectique, de telles diatribes dans les manières de nos partis et mouvements politiques. Pourtant, certaines polémiques, certaines péripéties récentes, certaines publications dans les réseaux sociaux semblent accréditer que ces mœurs perdurent, sans doute parfois plus policées, mais toujours aussi sournoises.
C’est pour cela que l’outrance doit répondre à l’outrance pour en démontrer l’absurdité et la pernicieuse nuisance.
Voilà donc le final du réquisitoire.
« J’ai dévoilé devant le peuple une chaîne de trahisons, de sabotages et de trafics visant à la perte de notre patrie ; une chaîne immonde de crapuleries et de crimes dont l’horreur n’a pas d’équivalent dans l’histoire de ce pays. » ; « criminels abjects ; pègre trotskyste ; vieux cosmopolite ; traîne-savate trotskyste qui a roulé sa bosse dans le monde entier ; vaurien bourgeois ; valet de l’impérialisme américain ; misérable escroc et voleur » « Au nom de nos peuples, contre la liberté et le bonheur desquels ces criminels s’étaient dressés, au nom de la paix contre laquelle ils avaient honteusement comploté, je requiers (…) la peine de mort. » Que votre verdict s’abatte comme un poing de fer, sans la moindre pitié ! Qu’il soit feu, pour brûler jusqu’à la racine ce monstrueux bulbe de trahison ! Qu’il soit cloche d’airain, pour appeler l’ensemble de notre belle patrie à de nouvelles victoires au cours de la marche vers le soleil du socialisme !».
À méditer avant de publier des diatribes contre des adversaires ou simplement des « dissidents », d’anciens compagnons de route.
Gilles Desnoix